amitié spirituelle

L’amitié spirituelle, clé au coeur du mentorat

On entend certaines des réserves à propos du mentorat, comme d’autres formes d’accompagnement d’ailleurs. Souvent, elles expriment cette peur, a priori, du dérapage et de l’abus spirituel. Peur bien française ! Au point d’oublier ses bienfaits et sa pertinence spirituelle du mentorat. Au point ‘oublier un élément sécurisant pas excellent : l’amitié spirituelle, clé au coeur du mentorat. Cette amitié partagée entre le mentor et son mentoré réduit plusieurs risques.

Mon ami de France

J’ai été accueilli, il y a une quinzaine d’années, au sein de la Communauté internationale de mentors initiée par Leighton Ford. (Leighton est le beau-frère de Billy Graham, et l’un des fondateurs du Mouvement de Lausanne). Le rayonnement du ministère de Leighton, sa vision du mentorat, des communautés de mentors, ont fait largement leurs preuves. Même si cette vision et cette action sont moins connues dans le monde francophone.

J’ai été invité à deux reprises aux États-Unis par Leighton. Il m’a transmis un « modèle de mentorat ». Il m’a toujours considéré comme « son ami de France » ! Quel honneur d’être ainsi invité à être l’ami d’un aÎné, d’un frère d’expérience, au rayonnement international. Et ce malgré la barrière de la langue et la nécessité d’un interprète. J’ai pu poser à ce frère toutes mes questions sur le mentorat et comment lui le pratiquait. Cela A été décisif pour entrer dans le plan de Dieu pour moi.

Jésus et l’amitié

Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu de mon Père.

Jean 15 : 15

 … Amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître – je vous ai admis à une communion libre et sans restriction, ne vous cachant rien de ce que j’ai reçu à vous communiquer.

Jamieson-Fausset-Brown

Mais moi, je vous ai appelés amis, c’est-à-dire qu’il les a considérés, qu’il en a tenu compte, qu’il les a traités comme ses amis et ses familiers, auxquels il a dit tout ce qu’il pensait, et qu’il allait traiter comme tels, en les introduisant de plus en plus, à mesure qu’ils le pouvaient, dans les desseins de sa grâce et dans les doctrines de son Évangile[…] Car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ; non pas tout ce qu’il savait comme Dieu omniscient, car il n’était pas nécessaire de leur faire connaître toutes ces choses ; mais tout ce qu’il lui avait transmis comme homme et comme Médiateur, de la part de son Père, au sujet du salut des hommes ; tout ce qu’il devait faire et souffrir lui-même pour obtenir la rédemption éternelle, et tout l’Évangile, dans ce qu’il a d’essentiel et de substantiel, qu’ils devaient prêcher ; car autrement, il y avait des choses qu’ils ne pouvaient pas encore supporter, et qui étaient réservées pour un autre temps, afin de leur être révélées par son Esprit.

Gill’s Exposition

Les leaders qui accordent leur amitié spirituelle à des plus jeunes verront des fruits décisifs dans la croissance spirituelle et le ministère de ces leaders émergents.

Alain Stamp

L’offre de l’amitié spirituelle

« Ami » nous inscrit dans le groupe non hiérarchisé, ouvert, informel et spontané des amis de Jésus, qui développent verbalement des relations faites de responsabilité et d’intimité, par le biais de leurs conversations.

E. Peterson. L’amitié spirituelle, Éditons Farel, page 33

Larry Crabb raconte dans un de ses livres, qu’il s’était senti incapable d’aider une personne. Et c’est ce que celle-ci lui a fait remarquer. Elle lui dit en substance qu’elle n’avait ressenti aide de la part de Larry, sauf le jour ou la voyant sur un campus, Larry était venu s’assoir à côté d’elle et qu’ils avaient échangé a bâtons rompus !

Je suis fan du docteur Paul Tourrnier, l’un des précurseur de la Médecine de la personne. Il décrit très bien comment, même dans un cabinet médical, la relation peut s’orienter vers ce cadre hors d’une hiérarchie, des rapports de dépendance et ouvrir des portes nouvelles.

Et voilà, le climat change. Nous ne discutons plus de son problème ; nous commençons à nous lier ; nous découvrons que nous avons des difficultés communes, des aspirations communes, une certaine résonance d’âme indéfinissable. On appelle cela, en termes savants, « transfert » et « contre-transfert » ; je veux bien. Ce qui compte, c’est ce qui se passe : il se passe quelque chose en moi ; il se passe quelque chose en lui. Est-ce que c’est encore de la psychologie ? Je crois que c’est déjà plus, car ce n’est plus une affaire technique, objective, scientifique. C’est une affaire toute subjective, c’est une affaire humaine, un événement spirituel. Nous ne sommes plus les mêmes, l’un vis-à-vis de l’autre. Un lien puissant est né entre nous. Cet homme est moins seul ; il a moins peur. Du coup, il est moins obsédé par son dilemme ; il peut me parler de beaucoup d’autres choses. Il a trouvé chez moi, non seulement de l’affection, mais une certaine communion dont tous les hommes ont soif. Sans qu’il s’en aperçoive, son attitude change aussi dans la vie. Il lui semble que ce sont les autres gens qui changent.

Paul Tournier Tenir au céder, éditions Labor et Fidès, 1962 page 64.

Du point de vue du mentoré

J’ai durant un temps, tenté de développer une relation mentorale avec le directeur d’une oeuvre d’évangélisation bien connue en France. Cette « greffe » n’a jamais pris. Essentiellement parce que c’est le Conseil d’administration qui avait enjoint ce frère à me prendre pour mentor. Certes, il était réservé. Mais je crois que cette relation imposée par la direction, n’offrait pas les conditions pour développer une amitié spirituelle. Le mentorat, pour se développer sainement doit être dégagé de la relation hiérarchique. Et le mentoré doit pouvoir choisir son mentor

Du point de vue du mentor

Le mentor, ami de son mentoré, ne peut pas se montrer intrusif, coercitif à l’égard de celui qu’il accompagne . Bien au contraire. Il réalise qu’avoir accès à l’intimité de l’autre est une invitation, et un privilège, et il respecte son ami !

J’ai pris conscience ce matin du plaisir que j’éprouve pour avoir été invité dans ta vie, à participer à la prière, à l’écoute, à l’expression et à l’écriture, alors que le Saint-Esprit accomplit son œuvre d’amour, de pardon et d’obéissance, et ce, malgré les trois mille kilomètres et les quatre décennies qui nous séparent.

E. Peterson L’amitié spirituelle Editons Farel, Page 6.

La vocation de l’amitié

Eugène Peterson a été interrogé, conjointement avec Bono, le chanteur du U2, sur l’amitié ; « Existe-t-il une vocation de l’amitié ? »

Eugène :  « Je crois que j’ai ressenti une vocation à l’amitié pendant la plus grande partie de ma vie. Mais ce n’est pas ainsi que les choses ont commencé pour lui, avoue-t-il. J’ai grandi dans une église sectaire, et il y avait donc une forte division entre le monde et l’église, ou entre les chrétiens de notre conception et les autres. J’ai donc toujours ressenti une sorte d’aliénation ». Lorsqu’il est arrivé à l’université, Eugene raconte qu’il a découvert un monde différent, un monde où il était libre de cultiver toutes sortes d’amitiés.

« Lorsque je suis devenu président du corps étudiant lors de ma dernière année, raconte-t-il, il y avait sept cents étudiants à l’université et je me suis dit : « Je vais apprendre le nom de chaque étudiant avant de partir d’ici », et je l’ai fait. Des années plus tard, lorsqu’il est devenu pasteur, il a été surpris de constater à quel point il était difficile pour les pasteurs de se faire des amis. « Il y a une telle tendance à la compétition chez les pasteurs, qui, combinée à un rythme de travail incroyablement exigeant, se traduit, pour beaucoup, par une absence généralisée d’amitié profonde ».

Bono : « Un mariage se brise non pas à cause d’un manque d’amour.Mais il se brise à cause d’un manque d’amitié, selon Friedrich Nietzsche, qui est la forme la plus élevée de l’amour. Pour Bono, l’amitié est probablement tout. » Récemment, cependant, Bono a eu l’impression qu’il lui était plus difficile d’être un bon ami. Bono s’est engagé dans, une ONG internationale pour lutter contre l’extrême pauvreté et les maladies mondiales. Dans un activisme infatigable, s’associant à des personnalités mondiales. « La vie, semble-t-il, est devenue très active. Et l’agitation est le moyen le plus sûr de tuer une amitié ».David O. Taylor

Exemple pratique d’amitié mentorale

Une très sérieuse étude des relations mentorales dans le milieu universitaire donne un bel exemple de l’amitié dans le mentorat : 

Il est particulièrement intéressant de noter que tous les mentors de notre étude précédente ont indiqué qu’ils étaient amis avec au moins certains de leurs anciens doctorants. Parmi les citations choisies pour étayer cette affirmation, citons : « Je suis maintenant devenu ami avec certains de mes doctorants » et « Je décrirais les relations avec la plupart de mes anciens doctorants comme très, très bonnes ; je compte beaucoup d’entre eux parmi mes amis ». […] Les protégés ont exprimé très clairement leurs sentiments en disant : « Je la considère comme une amie », « C’est bien d’avoir une amie aussi formidable ». […] Les participants ont souvent utilisé le terme « amitié » pour décrire les relations interpersonnelles étroites qu’ils ont nouées et entretenues avec leurs anciens conseillers pédagogiques. Cependant, nous devons noter que nous n’avons pas fourni aux participants une définition opérationnelle de l’amitié. Dans certains cas, les mentors et les protégés ont considéré que des activités telles que la pratique d’un sport ou un dîner en compagnie de leurs familles respectives étaient des exemples d’amitié. […] Selon Kram , la fonction psychosociale de l’amitié est « caractérisée par une interaction sociale qui se traduit par une appréciation et une compréhension mutuelles et par des échanges informels agréables sur le travail et les expériences professionnelles extérieures ». […] Elle implique également le « partage d’expériences personnelles » et permet aux protégés de développer des relations de pairs avec des personnes plus expérimentées. 

L. Beres C. Dixon

Articles liés à celui-ci :

L’amitié spirituelle, clé du leadership

Les fonctions mentorales : approche séculière

Les fonctions mentorales : l’exemple de Jésus

Retour en haut