Dans l’Église locale, culture du discipulat VS mentorat ?

Si certains restent frileux à propos du mentorat, d’autres enthousiastes, souhaitent l’importer dans l’Église locale. Lors d’un séminaire sur le mentorat, à Brazzaville, découvrant le potentiel du mentorat, plusieurs ont réagit : – Mais tout le monde devrait avoir un mentor ! J’ai dû clarifier : – Oui, chaque chrétien a besoin de relations spirituelles, pour accompagner sa croissance, développer et entretenir sa marche de disciple, et apprendre à servir. Parmi la constellation des relations spirituelles, le mentorat spirituel a pour objectif d’accompagner les leaders émergents. Cet article se propose de distinguer le rôle de l’Église locale et celui du mentor : Dans l’église locale : culture du discipulat VS mentorat. 

John Piper : culture du discipulat  

Chaque chrétien devrait aider les non-croyants à devenir croyants en leur montrant le Christ. C’est cela faire un disciple. Et chaque chrétien devrait aider d’autres croyants à atteindre une maturité de plus en plus grande. C’est cela faire un disciple.
Et chaque chrétien devrait chercher à se faire aider par d’autres pour continuer à grandir. C’est aussi cela être un disciple. Chaque église devrait réfléchir à la manière dont tous ces types de formation biblique de disciples s’expriment dans la vie d’Église.

John Piper

La culture du discipulat, comme écosystème

John Piper définit tout simplement l’écosystème créé par une culture du discipulat. Notez cette citation, et réfléchissez l’écosystème de votre Église locale (Il y a en a forcément un)développe intentionnellement la culture du discipulat.

Lors d’une formation de jeunes leaders d’Églises, pour une grande union d’Églises française, j’ai posé la question : – Le parcours, de formation de disciples et d’intégration dans l’Église est-il clairement identifié dans votre Église ?  La réponse de plus de la moitié d’entre eux était : – C’est vrai qu’on fait beaucoup de choses : pour les enfants, les jeunes, les célibataires, le troisième âge, mais le cheminement et l’objectif du discipulat ne sont pas clairement définis et identifiés. 

Chaque chrétien de votre Église est-il encouragé, soutenu, accompagné, dans sa marche de disciple, à la transformation à l’image de Christ ? Et par quelles relations intentionnelles ? (Un prochain article devrait revenir sur le sujet.)

Vers un accompagnement communautaire

Selon Paul, les dons spirituels, dans Éphésiens chapitre quatre, sont des personnes données à l’Église !

Il nous a donné certains frères comme apôtres, d’autres comme porte-parole de Dieu, d’autres comme évangélistes, d’autres encore comme bergers et enseignants. Tous ces dons ont été accordés pour le perfectionnement des chrétiens afin qu’ils soient tous convenablement équipés pour leur service et que chacun soit rendu capable d’exercer son ministère en vue de la formation du corps du Christ.

Eph. 4 11 & 12.

La culture du discipulat, (cet écosystème dont parle John Piper) devrait permette de former des disciples, d’identifier ceux que Dieu à appelés à un ministère, ces hommes et femme donnés à l’Église, et leur offrir un accompagnement communautaire indispensable à leur croissance.

Dans l’Église, les leçons et les modes de vie individuels commencent à façonner la pensée et à affiner le ministère. Par exemple, je peux m’asseoir dans un café avec un frère et discuter de la manière d’exercer un ministère auprès des personnes souffrantes. Mais ces conversations prennent une dimension différente lorsqu’il s’engage activement là où les souffrants ont des visages. Ce n’est pas que les membres de la communauté lui donnent des instructions verbales sur ce qu’il faut faire dans une situation donnée ; ils l’enseignent plutôt par la manière dont ils ont appris à appliquer l’Évangile à la souffrance ou par la manière dont ils ont trouvé la joie au milieu des difficultés. Je ne peux pas enseigner cela dans une boîte. Il faut que l’Église s’implique dans ce type de travail pastoral pour ajouter de multiples couches de compréhension et de pratique. Les relations normales de la vie commune au sein du corps instruisent tranquillement. […] Il est vraiment inscrit dans l’ADN de l’Église de servir, d’encourager, d’exhorter, d’aimer et de prendre soin les uns des autres. C’est dans cette atmosphère de mentorat que le pasteur et la congrégation s’associent. [ Écosystème du discipulat ! ]

C’est pourquoi je ne veux rien faire qui isole les mentorés de l’Église. Je veux qu’ils soient au milieu de tout pour qu’ils s’imprègnent de la vie ensemble (pour reprendre l’expression de Bonhoeffer). Ils s’occupent des enfants pendant les cultes, servent de conseillers dans les camps de jeunes, rendent visite aux personnes isolées, participent à l’école du dimanche et aux cours du milieu de semaine, transpirent pendant les journées de travail de l’Église, travaillent avec le ministère des réfugiés, partent en voyage missionnaire, et ainsi de suite. Dans tous ces contextes, ils côtoient le corps du Christ. Ils observent, écoutent et apprennent à servir et à paître son épouse. Les choses dont nous avons discuté dans une salle prennent maintenant vie. L’Église les enseigne, le plus souvent sans s’en rendre compte.

Jeff Robinson

Si l’accompagnement communautaire de l’Église locale est essentiel le mentorat reste indispensable et doit être encouragé, plutôt en dehors de l’Église locale, voici pourquoi.

Mentorat : pour qui alors ?

Pour les futurs leaders : clairement. Pour ceux qui se sentent appelés à servir Dieu, à temps-plein ou non et qui ont reçu un appel du Seigneur. Rappel :

Dans le contexte biblique, le leader est une personne qui possède une capacité reçue de Dieu, qui assume une responsabilité confiée par Dieu et influence un groupe spécifique du peuple de Dieu, [ou du Royaume] pour que celui-ci atteigne les objectifs de Dieu pour ce groupe. Robert Clinton

Je n’exerce jamais mon ministère seul. J’emmène toujours quelqu’un de nouveau dans le ministère, avec l’espoir qu’il puisse apprendre quelque chose de nouveau. L’année dernière, j’ai emmené Craig avec moi pour donner des études bibliques à une famille de notre région. Je lui ai montré comment donner des études bibliques et amener les gens à prendre une décision. Lorsque cette famille a été baptisée, Craig était avec moi dans le baptistère et j’ai expliqué à toute l’assemblée le rôle essentiel qu’il avait joué pour amener cette famille au Seigneur. Cette année, Craig fait de même avec une autre personne.
Cela est en harmonie avec ce que Jésus a fait. Jésus a rassemblé ses disciples, leur a montré comment exercer un ministère auprès des autres et les a envoyés faire de même.

S. Joseph Kidder

Mentorat dans l’Église, attention à la double casquette !

La difficulté majeure du mentorat dans l’Église est le cumul des casquettes de mentor et de pasteur. Ce cumul provoque nécessairement un confit entre la relation hiérarchique et le mentorat. Tout comme dans n’importe quel autre type de structure d’ailleurs, mission, association… Hiérarchie et mentorat les sont pas compatibles ! Il faut être conscient des inconvénients de la double casquette. En voici au moins quatre :

  • Le micromanagement : qui aura pour conséquence le contrôle des faits et gestes, du mentoré par le pasteur/mentor. Ce qui risque de mettre une pression sur ses épaules, de créer volontairement ou non, et des situations de tension et de stress.
  • Un manque de vision du pasteur/mentor pour le protégé. Il le connait trop bien ! Il a grandi dans l’Église, il a fait les 400 coups, ses faiblesses sont connues de tous… Je me souviens d’avoir demandé à un ancien d’Église s’il pouvait recommander un jeune candidat pour le Réseau des évangélistes émergents. – Oh ! On sait comment sont les jeunes ! Ils commencent une chose, ne la terminent pas. Il faut qu’il fassent leur preuves. Je ne suis pas sûr de pouvoir le recommander !  Aujourd’hui ce jeune a achevé ses études de théologie, qu’il a autofinancées, il est pasteur, reconnu et apprécié. Il a pu bénéficier de notre mentorat… mais en dehors de l’Église !
  • La difficulté pour le mentoré pour vivre la transparence et la vulnérabilité. Si le mentoré passe par des moments difficiles, connait des difficultés personnelles, relationnelles, difficile pour le pasteur-mentor d’être objectif, patient, de faire grâce et de donner une seconde chance. Et difficile pour le mentoré de se livrer a son pasteur qui supervise ses responsabilités. Au même titre, par exemple, que le pasteur, qui connait des difficultés de couple, trouvera plus facile d’être transparent avec son mentor, plutôt qu’avec le conseil de son Église… qui est aussi son employeur !
  • Le pasteur-mentor va immédiatement redouter les « risques » pour lui-même. Comme il confie des responsabilités à son mentoré, dans SON Église, en cas de faiblesses, de gaffes, d’échec du protégé, le pasteur-mentor va immédiatement mesurer les risques pour son propre ministère. – Si je ne dis rien, il va me bousiller le groupe de jeunes ! Si je ne fais rien on va me le reprocher ! Le pasteur reprendra alors les clés du camion ! Compliqué et risqué !

Très vite, je me suis rendu compte que, bien que ces choses soient bonnes et nécessaires, je ne faisais que le transformer en un « mini-moi », soumis à mes innombrables faiblesses et limites. Il avait une vision plate et unidimensionnelle du rôle de berger d’une congrégation locale.

J. Robinson

Un mentorat hors de l’Église locale valeur, ajoutée

Le mentor hors de l’Église locale, n’est pas concerné la double casquette évoqués plus haut. Il va permettre à son mentoré, grâce à son regard distancié de son quotidien (et de celui de son pasteur), de prendre du recul, de mieux discerner l’action de l’Esprit dans sa vie. Le besoin de perspectives, de distanciation des pressions du contexte, des implications émotionnelles, de la relation hiérarchique sont essentiels pour un jeune leader pour avancer et discerner la volonté de Dieu à l’aide de son mentor.

Un mentorat extérieur à l’Église locale est difficile à envisager pour certains. Je me rappelle avoir été contesté par le responsable d’une Union d’Églises, visiblement contrarié que mon mentoré m’ai partagé comment il distinguait l’appel de Dieu sur sa vie, avant d’avoir informé officiellement l’Union en question : Dialogue :

  • Nous avons un oeil sur ce jeune leader, nous finançons une partie de sa formation biblique… Et c’est toi qui s’exprime dans sa vie avant nous !  
  • Frère, voilà ce que j’ai dit et conseillé à ce jeune leader ! J’ai expliqué comment j’avais accompagné le jeune dans sa réflexion en toute objectivité.
  • Ah ! Si tu lui a dit ça alors je comprends
  • Vous devriez considérer un mentor hors de vos églises, comme une  valeur ajoutée  plutôt que comme un rival !

Certes le mentorat hors de l’Église local évite assurément le phénomène de la double casquette  et constitue une véritable valeur ajoutée pour l’Église locale !

Pour aller plus loin :

Le mentorat spirituel : pour ceux et celles que Dieu a appelés et envoyés  

Différencier : discipulat, mentorat, accompagnement spirituel…

La crise du leadership et les « super poules » !

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