Un mentor… pour se raconter et se construire !

Je suis convaincu qu’une des fonctions importantes de la relation mentorale est l’écoute du mentor et la possibilité pour le mentoré de se raconter.

La pratique 

Un de mes mes mentorés, quand nous sommes ensembles, ouvre son agenda et me raconte ce qui s’est passé tout au long de son ministère depuis notre dernière rencontre. Inutile de chercher à l’interrompre. Il en a besoin : pourquoi ? Il a besoin de raconter. Personnellement tout au long de mes 20 ans d’épreuves, j’ai eu besoin de raconter à mon mentor, mes combats, mes souffrances, mes échecs…. Je ne sais pas comment j’aurais pu tenir sans cette possibilité de raconter ce qui m’arrivait, qui bien souvent me dépassait et semblait sans issue. À l’inverse, après une période particulièrement riche et bénie,  je ne touchais plus terre, selon mon épouse ! J’ai eu besoin de raconter tout ce que j’avais vécu. Mon mentor m’a écouté patiemment puis a déclaré : – Alain je vois que Dieu t’a ouvert de nombreuses portes, je vais prier pour toi !

Jéthro à l’écoute

Moïse sortit à la rencontre de son beau-père. Il se prosterna et l’embrassa. Ils s’informèrent réciproquement de leur santé, puis ils entrèrent dans la tente de Moïse. Moïse raconta à son beau-père tout ce que l’Eternel avait fait au pharaon et à l’Egypte à cause d’Israël, toutes les difficultés qu’ils avaient rencontrées en chemin et la façon dont l’Eternel les avait délivrés. Jéthro se réjouit de tout le bien que l’Eternel avait fait à Israël en le délivrant de la main des Egyptiens. Il dit : «Béni soit l’Eternel, qui vous a délivrés de la main des Egyptiens et de celle du pharaon, qui a délivré le peuple de la main des Egyptiens! Je reconnais maintenant que l’Eternel est plus grand que tous les dieux, puisque l’arrogance des Egyptiens est retombée sur eux.» Jéthro, le beau-père de Moïse, offrit à Dieu un holocauste et des sacrifices. Aaron et tous les anciens d’Israël vinrent participer à ce repas avec le beau-père de Moïse, en présence de Dieu.

Exode 7 : 8 et ss

Autour de Jésus

Les apôtres se rassemblèrent autour de Jésus et lui racontèrent tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné. Jésus leur dit : «Venez à l’écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu.» En effet, il y avait beaucoup de monde qui allait et venait, et ils n’avaient même pas le temps de manger.

Marc 6 : 30 -31

Les disciples d’Emmaüs

Ils se levèrent à ce moment même et retournèrent à Jérusalem, où ils trouvèrent les onze et les autres qui étaient rassemblés et qui leur dirent: «Le Seigneur est réellement ressuscité et il est apparu à Simon.» Alors les deux disciples racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin et comment ils l’avaient reconnu au moment où il rompait le pain.

Luc 23  : 34-35

Retour de mission

Après leur arrivée, Paul et Barnabas réunirent l’Eglise et racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux et comment il avait ouvert la porte de la foi aux non-Juifs. Ils restèrent assez longtemps avec les disciples

Actes 14 : 27-28

Un point commun

Je suis frappé par ce besoin de raconter par le détail ce que Dieu a fait. Certes il y a un aspect de reconnaissance indiscutable, dans cette nécessité de restituer par le détail, ce qui a été vécu. Pour glorifier Dieu. Et encourager ceux à qui on raconte.

Je te louerai, Eternel, de tout mon cœur, je raconterai toutes tes merveilles. Je ferai de toi le sujet de ma joie et de mon allégresse, je chanterai ton nom, Dieu très-haut.

Ps : 9 : 2-3

Une pratique universelle

Raconter constitue probablement le moyen le plus quotidien et le plus universel de mettre en forme son expérience vécue, la rendant par là même intelligible à soi-même et à autrui. Nous racontons pour partager la solitude, inhérente à notre condition humaine. Nous racontons pour nous faire connaître. Et surtout, nous racontons pour nous comprendre nous-mêmes. […] Raconter paraît ainsi une pratique universelle. […] Raconter semble réparateur : raconter semble bien un besoin humain. La constitution de l’identité par le récit. Cécile de Ryckel, Frédéric Delvigne Cairn.info

La Bible un récit

Les Hébreux ont été les premiers historiens du monde. Parce qu’ils étaient convaincus que Dieu agissait parmi eux là où ils étaient, chaque jour, ils croyaient que ce qu’ils faisaient, dans un élan de foi ou d’incrédulité, dans le péché ou la justice, l’obéissance ou la rébellion, était important. Et parce que c’était important, cela pouvait être narré comme une histoire, c’est-a-dire un récit dans lequel ce que les gens faisaient avait de conséquences et s’inscrivait dans un projet structuré. Un récit a un commencement, une suite et fin. Dans le récit, tout a sa raison et sa signification. Rien n’est une hors de propos. Chaque personnage, même mineur, joue un rôle. Les Hébreux ont ainsi écrit l’histoire d’hommes et de femmes créés à l’image de Dieu, tandis que leurs contemporains composaient des mythes de divinités, imaginés à la ressemblance de leurs voisins. Eugène Peterson Cinq pierres polies page Editons la Clairière page 76

En racontant notre vie ou des épisodes de celle-ci, nous en construisons ou reconstruisons la cohésion.

Paul Ricoeur

Raconter pour se connaitre

Au « connais-toi toi-même » de Socrate, on peut répondre : raconte-toi toi-même et tu te comprendras. En me racontant, je me connais et il en est de même de la connaissance que j’ai d’autrui : le meilleur des portraits – même le plus ressemblant – m’apprend moins sur quelqu’un que l’anecdote qu’il me raconte. Nous avons besoin de nous raconter pour nous rencontrer.

Ibid

Pour Paul Ricoeur

« Nous racontons des histoires parce que les vies humaines ont besoin et méritent d’être racontées ». En particulier, « toute l’histoire de la souffrance crie vengeance et appelle récit ». La plupart de nos vies sont remplies de moments de paix, de bonheur, de sérénité. Mais elles sont aussi traversées de moments de souffrance ; qu’elle soit légère ou intense, la souffrance est vécue comme rupture et entrave à notre projet d’existence – cassure parfois minime, parfois dramatique. Dans ces derniers cas, la personne ne parvient plus à donner sens à ce qui lui arrive. Le monde lui paraît absurde, vain, brutal. Ses valeurs se diluent et s’effondrent. […] Qui suis-je ? Croire en quoi ? Vivre pour quoi ? Que veux-je ? Quelle que soit leur acuité, ces questions surgissent, toutes renvoient à la question de l’identité. A cette question, Paul Ricoeur affirme que nous ne pouvons répondre que par le récit de notre vie. En racontant notre vie ou des épisodes de celle-ci, nous en construisons ou reconstruisons la cohésion.

Ibid

S’ouvrir à d’autres choix

Lorsque je raconte à quelqu’un qui écoute avec bienveillance un épisode de ma vie, un moment de joie et de bonheur, d’agacement et d’impatience, de timidité ou de repli sur soi ou au contraire de fierté et de satisfaction, je vais oser petit à petit déployer les affects, les sensations, les émotions de même que les jugements qui ont orienté mon agir. Ce qui m’apparaissait au départ comme ne m’appartenant pas ou peu, j’en prends petit à petit la responsabilité et m’en reconnais reconnais l’initiative. Je réalise que j’ai choisi de m’opposer à telle ou telle injustice ou comment j’ai fait pour m’impatienter, m’attrister, me décourager, me laisser séduire ou me réjouir de tel ou tel événement. En bref, en racontant ses expériences passées on ressaisit ses choix. Renouant avec des décisions qu’elle a prises un jour, la personne s’en libère, ce qui a pour effet de lui offrir d’autres possibilités de choix.

Ibid

Raconter pour incarner ses choix

Raconter son souci éthique ne peut se faire qu’à travers les particularités du caractère. Ainsi, la façon que j’ai de défendre telle ou telle cause, de m’opposer à telle ou telle injustice, de m’indigner, de m’agacer ou de m’impatienter est identifiable entre toutes car elle est empreinte de mes habitudes de caractère. D’autre part, nous faisons intervenir dans nos récits divers personnages, père, mère, frères, soeurs, patron, voisins, etc. que nous louons ou blâmons et dont nous ne manquons pas d’apprécier ou de désapprouver les actes. De cette façon, nous reprenons à notre propre compte – ou au contraire nous rejetons les choix éthiques qu’ils ont eux-mêmes opérés. Nous passons, ainsi, d’une connaissance abstraite des valeurs (la haine, l’amour ou la solidarité, par exemple) à une connaissance vécu.

Ibid

Le mentor écoute

L’écoute attentive soutenue confère un sens à ce qu’une personne raconte ; les détails peuvent être perçus comme ayant de l’importance si on les écoute avec attention. Mais sans quelqu’un qui est disposé à porter de l’intérêt au contenu confondant et aléatoire de du quotidien, qui a la patience d’y réfléchir, la capacité d’en discerner la signification, et la sagesse de combler les lacunes avec les éléments fréquemment omis et cependant évidents de la réalité tels que la providence divine, l’histoire de ‘individu concerné ne sera jamais ce que chaque jour apporte, racontée.  Eugène Peterson Cinq prières polies Edition la clairière page 82

Mentoré ? Mentor ? 

Leaders spirituels : avez-vous un mentor qui vous écoute ? À qui vous, pouvez raconter vos combats, vos échecs, vos succès, votre cheminement pour, qu’avec son aide et la direction de l’Esprit de Dieu, vous puissiez grandir à l’image de Christ ?

Mentors savez vous écouter celui ou celle que vous accompagnez afin qu’il ou elle puisse écrire son histoire et comprendre le chemin que Dieu ouvre devant lui ?

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