Succès

Quand nos projets deviennent idoles

Tim keller dans son livre Les idoles du coeur – dont je vous recommande vivement la lecture – pose le problème de l’idolâtrie avec pertinence :

Je ne vous demande pas si vous avez ou non des dieux rivaux. Je pense que nous en avons tous et ils se cachent au plus profond de chacun de nous. Mais que pouvons-nous faire ? Comment pouvons-nous devenir de plus en plus clairvoyants, au lieu de leur être asservis ? Comment être libérés de nos idoles afin de prendre des décisions sages et bonnes, pour nous-mêmes et ceux qui nous entourent ?

Les idoles de coeur 147 à 149

Une frontière ténue

Sur les réseaux sociaux, j’ai suivi le départ d’une équipe française, pour évangéliser un pays d’Afrique. Un post, agrémenté, d’une courte vidéo, dans laquelle les participants s’écriaient, Dieu est grand ! Dieu est grand ! déclarait fièrement :

On est arrivé !  l’Afrique sera sauvée ! 

Je ne jette la pierre à personne. Pourtant ce post a déclenché chez moi toutes sortes de réflexions. Ai-je moi-même été emporté par mes projets dans le passé ? Ont-ils pu, à certains moments, se transformer en véritables idoles ? Facilement nous pouvons déraper, perdre de vue que soit nos projets sont inclus dans la Mission de Dieu soit ils sont des oeuvres mortes ! Nous pouvons être hypnotisés si facilement sur ce que NOUS faisons plutôt que d’avoir le regard fixé sur ce que DIEU fait. Comment nos convictions, nos certitudes peuvent être un piège. Comment nous pouvons croire si fort à la valeur de nos projets, de nos travaux. La réflexion est valable pour chacun des ministères que nous développons.

Plus de modestie 

Leaders spirituels, notre zèle à servir Dieu – dont je ne doute pas dans cet exemple – risque de nous aveugler Nous sommes alors coupables par ignorance… volontaire ou non ! Reprenons l’exemple ; selon Opération World il y a près de 40 fois plus de chrétiens évangéliques dans le pays visité par cette équipe, qu’en France ! Dieu est à l’oeuvre puissamment dans ce pays ! De quoi être plus modeste.
Ces projets qui éclosent sans concertation avec qui que ce soit… Ces méthodes – y compris financières- qui semblent, malheureusement, plus inspirées du marketing que de l’Esprit de Dieu, sont, pour moi, autant de signes inquiétants qui témoignent d’une certaine arrogance spirituelle !

Soit nos projets sont inclus dans la Mission de Dieu, soit ils sont oeuvres mortes !

Alain Stamp

Dieu nous précède

Une anecdote, vécue par un implanteur d’église est un excellent rappel. Il venait de s’installer dans une ville de Lorraine dépourvue de de témoignage, dans le but d’y implanter une église. Ce frère, qui prenait du temps pour prier en marchant dans la forêt, est un jour interpellé par deux dames qui s’étonnent de rencontrer un vigoureux jeune homme qui ne soit pas au travail. Elle l’interrogent :

  • Que faites vous dans la forêt ?
  • Je marche et je prie…
  • Pour quoi priez vous ?
  • Je suis missionnaire et j’ai à coeur d’implanter une église dans la ville
  • Vous êtes une réponse de Dieu ! Nous aussi prions depuis des années que Dieu envoie quelqu’un pour implanter une église !

Dieu nous précède toujours. Ce n’est pas notre oeuvre, notre projet, c’est le sien, depuis toute éternité. Tout à été conçu dans son coeur. Tout est le fruit de sa volonté ! L’oublier est également  coupable.

Nos projets des idoles ?

Il peut sembler excessif de formuler cela ainsi. Pourtant voici ce que dit Tim Keller :

Nous croyons que les idoles sont mauvaises en soi, mais ce n’est presque jamais le cas. Plus une chose est bonne, plus nous aurons tendance à croire qu’elle peut nous satisfaire pleinement. Tout peut servir d’idole, surtout les meilleures choses de la vie. 

Les idoles du coeur page 13

Une idole peut être tout ce qui prend la place de Dieu, qui devient notre centre d’intérêt et la priorité la plus importante dans notre vie. Et notre travail pour Dieu, nos projets pour Dieu peuvent subtilement prendre la place de Dieu.

Quand ces valeurs nous définissent

Reconnaissons que nous sommes toujours tentés par le succès, la puissance la reconnaissance, le contrôle, le pouvoir, les résultats ! Rappelons-nous comment le Diable à tenté Jésus dans le désert ! Du coup les chiffres, les statistiques, la croissance, les plans de développement, la compétition -même inconsciente- avec d’autres, nous fascinent, et imprègnent nos projets. 

Pendant tout son ministère terrestre, les apôtres n’ont jamais cessé de demander à Jésus: « Quand vas-tu prendre le pouvoir ? Quand vas-tu arrêter de fraterniser avec les gens simples ? Quand vas-tu commencer à te faire un réseau de contacts et à chercher des fonds ? Quand vas-tu te présenter aux élections ? À quand notre première intervention télévisée ? » Au contraire, Jésus a vécu une vie d’humble service, puis été torturé et tué.

Même lors de sa résurrection, Jésus s’est présenté en premier aux femmes, des personnes qui n’avaient alors aucun statut. Le salut que donne Jésus se reçoit non par la force mais par la prise de conscience de notre faiblesse et de notre besoin. Jésus a acquis le salut non par la force mais par l’abandon de lui-même, le service, le sacrifice et la mort. C’est l’un des grands messages de la Bible : « Dieu a choisi ce que le monde considère comme une folie pour confondre les sages, et il a choisi ce qui est faible pour couvrir de honte les puissants. Dieu a porté son choix sur ce qui n’a aucune noblesse et que le monde méprise, sur ce qui est considéré comme insignifiant, pour réduire à néant ce que le monde estime important ainsi » (1 Corinthiens 1.29-31). C’est ainsi que Dieu agit.

Les idoles du coeur page 92

Notre intégrité en danger

Dès lors que nos projets et nos réalisations prennent cette dimension, ce que nous communiquons à leur sujet, risque de dériver. Il nous faut les confirmer justifier, défendre… et souvent convaincre les donateurs. La question de notre intégrité est en jeu. 

Nous ne pouvons construire le royaume du Dieu de vérité sur une fondation de malhonnêteté. Pourtant, dans notre désir insatiable de « succès» et de «résultats», nous sommes tentés de sacrifier notre intégrité, par des prétentions dévoyées et exagérées équivalentes à des mensonges. En effet, marcher dans la lumière, « c’est tout ce qui est bon, juste et vrai »

Nous en appelons aux responsables d’Église et de mission pour qu’ils résistent à la tentation de ne pas dire toute la vérité quand ils présentent leur travail. Nous ne sommes pas honnêtes quand nous gonflons les statistiques dans nos comptes rendus, ou lorsque nous tordons la vérité par appât du gain.

Nous prions pour qu’une vague d’honnêteté déferle, capable de purifier et mettre fin à de telles distorsions, manipulations et exagérations. Nous en appelons à tous ceux qui financent un travail spirituel pour qu’ils n’imposent pas des attentes irréalistes de résultats mesurables et visibles, au-delà des besoins d’une obligation légitime de rendre des comptes. Luttons pour une culture d’intégrité et de transparence totales. Nous choisissons de marcher dans la lumière et la vérité de Dieu, parce que le Seigneur sonde notre coeur et prend plaisir à celui qui est droit.

L’engagement du Cap V.4 

Comment identifier nos idoles ? 

Examiner notre imagination. L’archevêque William Temple aurait dit : « Votre religion est définie par ce que vous faites de votre solitude » Vers quoi se tournent sans effort vos pensées, lorsque rien d’autre ne requiert vote attention. Voici le vrai dieu de votre cœur. Quel est le sujet qui occupe agréablement vos rêveries ? Lorsque vos pensées vagabondent, quelles sont les idées qui remplissent votre esprit ? Est-ce que vous élaborez des scénarios potentiels autour de vote avancement professionnel ? Ou des biens matériels, comme la maison de vos rêves ? [ Ou l’engagement que vous mettez dans vos projets ] Rêver ainsi de temps en temps pas n’est un diagnostic d’idolâtrie. Posez-vous plutôt la question : « À quoi ai-je l’habitude de penser pour retrouver la joie et le réconfort dans l’intimité de mon cœur ? » […] 

Observez vos émotions les plus incontrôlables. […]  « Y a-t-il quelque chose ici qui revête trop d’importance pour moi, quelque chose que je doive avoir, quel qu’en soit le coût ? » Faites de même avec vos peurs, votre désespoir et votre culpabilité. Posez-vous la question : « Suis-je aussi effrayé(e) parce que je sens une menace sur une chose que je perçois comme absolument nécessaire, alors qu’en fait, elle ne l’est pas ? Est-ce que je me dévalorise parce j’ai perdu ou échoué dans un domaine que je considère comme nécessaire, mais qui ne l’est pas? » Si vous avez tendance à trop travailler, vous soumettant à un emploi du temps écrasant, posez-vous la question: « Est-ce que je pense que je dois faire ça pour être comblé(e) et me sentir important (e) ? » Quand vous vous posez de telles questions, quand vous « arrachez vos émotions à la racine », pour ainsi dire, vous verrez souvent que vos idoles y sont accrochées.

Engagement du Cap pages 147 à 149

Notre identité est et doit rester en Christ seul. Il veut que nous sachions qui nous sommes et à qui nous appartenons. En Christ, nous sommes des hommes et des femmes de Dieu chéris, choisis et dotés de pouvoirs, créés par sa main, dans un but éternel. Notre valeur n’augmente pas lorsque nous n’atteignons pas nos objectifs ou ne réalisons pas nos projets. Elle ne diminue pas lorsque les résultats sont maigres ou que nous échouons. 

Rappel universel

Nous nous sommes trop souvent engagés dans la mission [ ou dans nos propres projets ] d’une manière qui préserve et donne la priorité à notre identité propre (identité ethnique, dénominationnelle, théologique, etc.) et nous n’avons pas réussi à soumettre nos passions et nos préférences à notre seul Seigneur et Maître. La suprématie et la centralité du Christ dans notre mission [ et notre service pour Dieu] doivent être plus qu’une confession de foi, elles doivent également diriger nos stratégies, notre pratique et notre unité.

Engagement du Cap  VI.4

Car sans moi vous ne pouvez rien faire.

Jésus-Chist Jean 15 : 5

Les bonnes questions

La question fondamentale que Dieu pose à chaque cours « Est-ce que quelque chose ou quelqu’un, à part Jésus le Christ, règne sur votre cœur, votre confiance, vos préoccupations, vote fidélité, votre service, vos craintes et vos joies ? » Certaines questions font remonter les systèmes idolâtres des gens à la surface. « Vers qui, ou vers quoi, regardez-vous pour trouver la stabilité, la sécurité et ‘approbation qui vous maintiennent en vie ? Que voulez-vous, qu’attendez-vous vraiment [de la vie] ? Qu’est-ce qui vous rendrait [vraiment] heureux ? Qu’est ce qui ferait de vous une personne acceptable : Où cherchez-vous le pouvoir et le succès » Ces questions ou d’autres similaires nous aident à savoir si nous servons Dieu ou des idoles, si la source de notre salut est Jésus-Christ, ou si nous le cherchons dans un faux sauveur ?

David Powlison cité par T. Keller page 149

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