Ralentissez !

Leaders spirituels : ralentissez !

Une curieuse prière !

Je participe à réunion d’équipe en visioconférence. Je suis heureux de retrouver ces jeunes leaders spirituels, tellement créatifs, plein de vie et d’idées nouvelles. Plusieurs partagent qu’ils sont sur-occupés, surbookés. Ils n’ont pas assez de temps pour être renouvelés. D’autres expliquent que les enchainements de leur agenda sont de vrais défis. Puis vient le temps de prière. Un frère commence :  – Seigneur nous te demandons de réconcilier nos agendas, de faire que des conflits de rencontres qui paraissent impossible à gérer, deviennent possible. Seigneur accompli ce miracle….  Je ne suis plus très certain des mots utilisés, mais la demande est en réalité : – Seigneur sort nous de ce piège dans lequel nous nous sommes fourrés ! J’avoue que cette prière va me trotter dans la tête et le coeur toute la soirée jusqu’à ce que j’envoie un petit message à ce frère :

Permets moi de te poser une question : Devons nous demander à Dieu de réconcilier notre emploi du temps ou Dieu nous demande-t-il de nous réconcilier avec notre emploi du temps… et de ralentir ?  

NB. Je crois, comme E. Elliot, que Dieu nous secours, même quand nous nous sommes fourrés dans des situations compliquées : mais pas sans réaliser notre folie !

Ce n’est que l’orgueil qui m’empêche de lui demander de m’aider à supporter les problèmes qui sont de ma faute.

Elizabeth Elliot  

Un constat

Dans tous les cercles auxquels je participe, j’entends le même refrain : occupé, sur-occupé, blindé, booké… Ici un jeune leader spirituel parle de la difficulté de gérer les influences des différentes crises : COVID19, guerre en Ukraine… Il est déstabilisé. Là ce sont des leaders spirituels qui sont au bord du burn-out. Ailleurs, certains le sont pour un certain temps ! Sommes-nous mangés par notre emploi du temps. Mangés par tout ce que nous avons à faire. Est-ce pour cela que certains vivent leur vie spirituelle, leur ministère dans la « zone rouge ». Eugène Peterson pose une question terrible :

Comment convaincre une personne de vivre par la foi et non par les œuvres si je dois constamment jongler avec mon emploi du temps pour tout caser ?

E. Peterson, Un coeur de berger page 25.

Pourquoi le « faire » nous fascine tant ?

A – Une bonne raison

John Piper parle de sa « sainte agitation » des leaders spirituels ! 

Les leaders spirituels ont un saint mécontentement à l’égard du statu quo. Les non-leaders ont une inertie qui les pousse à s’installer et les rend très difficiles à déplacer du point mort. Les leaders ont un désir ardent de changer, de bouger, de tendre la main, de grandir et d’amener un groupe ou une institution à de nouvelles dimensions de ministère. Ils ont l’esprit de Paul, qui a dit dans Philippiens 3:13-14, Frères et sœurs, je n’estime pas m’en être moi-même déjà emparé, mais je fais une chose : oubliant ce qui est derrière et me portant vers ce qui est devant, je cours vers le but pour remporter le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ. Les dirigeants sont toujours des personnes très orientées vers les objectifs.[…] C’est pourquoi il a plu à Dieu de mettre une sainte agitation dans certains de ses membres, et ces personnes seront très probablement les leaders.

J. Piper 

Mais Piper dit cela du « cercle extérieur du leader » après avoir largement défini ce qu’est le « cercle intérieur » soulignant que le leader spirituel :

  • A une vie qui glorifie Dieu,
  • Aime à la fois l’ami et l’ennemi en faisant confiance à Dieu et en espérant en ses promesses,
  • Médite et prie la Parole,
  • Reconnait son impuissance. Et souligner les exemples d’Hudson Taylor et Georges Muller… rien que ça !

B  – Une mauvaise raison

Je vis dans une société où les calendriers archi remplis et le surmenage sont autant de preuves de l’importance du personnage. C’est pourquoi, à mon tour, j’ai pris l’habitude d’avoir un planning bien rempli et de m’imposer des conditions harassantes.

E. Peterson Ibid page 26

Quel modèle de leadership vous a séduit : celui à l’agenda rempli ? Un leader qui saute d’un train dans un avion ? Qui enchaine prédication, sur prédication ? Je me rappelle cette boutade lancée par cet évangéliste, orateur lors d’un Forum des Évangélistes :

Vous pourrez estimer que vous êtes un grand évangéliste lors que vous pourrez raconter, dans un livre, que vous avez conduit quelqu’un à Jésus dans un avion !

Andreas Boppart

C – Un mauvais exemple

Je suis conscient que durant les 40 années durant de mon ministère de leader spirituel, j’ai fonctionné comme un hyperactif. J’avais cette réputation d’être à fond. Toujours à fond.

Ce n’est que depuis une quinzaine d’années, que j’ai réalisé progressivement que je n’avais pas « besoin » d’être débordé. Que la plus grande satisfaction ce trouve dans l’intimité avec Dieu. Dans le silence, dans l’écoute de Dieu. Et que j’ai besoin de prendre plus de temps pour ne rien faire d’autre que « demeurer en Christ » ! Méditation, prière silencieuse, besoin d’être présent à Dieu. 

Devenir ce que nous faisons ?

C’est une question posé par Henri Nouwen. Dans un chapitre consacré au silence et à la solitude avec Dieu ?

La peur, comme la colère, si nous les considérons dans la solitude et le silence, nous révèlent à quel point le sentiment que nous avons de notre valeur dépend soit de notre réussite soit de l’opinion des autres. Nous prenons tout à coup conscience que nous sommes devenus ce que nous faisons ou ce que les autres pensent de nous.

Dans la solitude, toutefois, les deux forces envahissantes de la peur et de la colère perdent leur pouvoir devant l’accueil d’un Dieu d’amour. C’est bien ce que saint Jean veut dire :  Il n’y a pas de peur dans l’amour ; au contraire, l’amour parfait chasse la peur. 1 Jn 4 : 18.

H. Nouwen : Faire le clown à Rome . Éditions Bellarmin 

Êtes-vous devenus ce que vous faites ou …

… ce que les autres pensent de vous ?

Rick Warren écrit :

Vous avez besoin de comprendre quelque chose qui va libérer votre vie. Vous n’avez pas besoin de l’approbation des autres pour être heureux. Vous avez peut-être essayé d’obtenir l’approbation d’une certaine personne pendant de nombreuses années. Je déteste vous le dire, mais si vous ne l’avez pas encore obtenue, vous ne l’obtiendrez jamais. La bonne nouvelle est que vous n’en avez pas besoin ! Vous n’avez besoin de l’approbation de personne pour être heureux. Quoi que vous fassiez dans la vie, quelqu’un ne l’aimera pas. Vous ne pouvez pas éviter la désapprobation. Donc, si vous devez faire face à la désapprobation des gens de toute façon, vous pouvez aussi bien faire face à leur désapprobation pour avoir fait la bonne chose plutôt que la mauvaise.

R. Warren

Pourquoi rechercher l’approbation des autres ? 

En vérité, j’ai parfois été plus préoccupé par ce que les gens pensent que par ce que Dieu pense.

J. Dukes Lee

Une des raisons est profondément spirituelle. Nous voulons être appréciés. Nous voulons être aimés. Or nous oublions que nous le sommes déjà de notre Père Céleste ! 

Vous êtes le, la, bien-aimé.e de Dieu. Revenez à cet amour qui fonde votre foi, votre vie, votre ministère votre éternité. Lisez cet article 

Ralentissez, devenez paresseux… 

Mais si je remplis vainement ma journée d’activités remarquables ou si je laisse les autres la remplir de demandes urgentes, il ne me reste plus de temps pour faire mon travail personnel, celui auquel j’ ai été appelé. Comment conduire le troupeau près des eaux paisibles si moi-même je suis dans une agitation perpétuelle? Comment convaincre quelqu’un de vivre par la foi et non par les œuvres si je jongle constamment avec mon emploi du temps pour tout caser ? E. Peterson page 27. 

Reprenant CS Lewis, Peterson suggère d’être un leader spirituel paresseux [ralentir] pour devenir :

  • Un berger qui prie,
  • Un berger qui prêche, 
  • Un berger qui écoute.

En fait Peterson formule quelque chose qui ressemble beaucoup à ce que souligne Peter Scazzero : faire pour Dieu ou faire avec Dieu ?

Faire pour Dieu

…Pour cultiver la présence de Dieu

Frère Laurent de la Résurrection, moine carmélite du XVII siècle, est connu pour avoir cultiver la « pratique de la présence de Dieu ». Il était cuisinier.

Le temps des affaires ne diffère pas chez moi du temps de la prière, et dans le bruit et le fracas de ma cuisine, alors que plusieurs personnes réclament en même temps des choses différentes, je possède Dieu comme si j’étais à genoux devant le saint sacrement.

Nous devons faire nos affaires fidèlement, sans trouble ni inquiétude, rappelant notre esprit à Dieu avec douceur et tranquillité, aussi souvent que nous nous trouvons éloigné de lui.

Frère Laurent 

… Pour avoir le temps de prier

Je sais qu’il faut du temps pour cultiver une vie de prière: un temps mis de côté, discipliné et délibéré. Cela ne se fait pas dans la bousculade, ni en formulant des prières du haut de la chaire ou au chevet d’un malade dans une chambre d’hôpital. Je sais que je ne peux pas être pressé et prier en même temps. Je peux être actif et prier ; je peux travailler et prier. Mais je ne peux être affairé [surbooké] et prier. Je ne peux être agité intérieurement ou distrait ou me disperser. Pour pouvoir prier, je dois davantage prêter attention à Dieu qu’à ce que les gens me disent ou ce que mon ego réclame à grands cris. En général, pour que cela soit possible, il faut que je m’éloigne du bruit de la journée, que je me détache même du moi insatiable.

E. Peterson Ibid page 28

… Pour laisser la Parole agir 

J’ai été interpellé ce matin même par cette citation de Peter Scazzero sur Twitter :

Au lieu de lire l’Écriture, laisse l’Écriture vous lire. Au lieu d’interpréter le texte biblique, laissez le texte biblique vous interpréter.

Peter Scazzero

« Tout discours qui touche les auditeurs, déclare REC Browne, a été gravé lorsque l’esprit du prédicateur était reposé et calme.» Or, je ne peux être dans ces dispositions si je suis affairé [surbooké]. 

E. Peterson Ibid page 29

Mot de la fin 

Si vous voulez être un grand leader, vous devez vous éloigner des gens pour être avec Dieu.

John Piper
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