À l’image de Jésus : le leadership de l’absence

Récemment le conseil d’administration d’une mission américaine  – qui a financé la presque totalité de mes voyages, lors des Forum des Évangélistes en Afrique ces dernières années – m’a posé une question ; – Alain as-tu songé à ta relève, quand tu ne pourras plus voyager ? Qui prendra la suite de ton ministère ? J’avoue que la question m’a honoré… et surpris. J’ai déposé la plupart de mes mandats depuis un certain temps déjà. Pour être franc, je ne m’étais pas posée la question pour ce ministère précis.

Bonne ou mauvaise question ?

Bien que cette demande témoigne de la formidable confiance de mes amis aux USA, de leur générosité, de leur désir de bénir la francophonie… J’ai réalisé que ce n’était pas forcément la bonne question. L’objectif, ne devrait jamais être de prolonger une action, une vision, un ministère, mais de multiplier ! Selon l’économie de l’Évangile. De Matthieu 28 : 19 & 20 à Éphésiens 4 : 11 et 12, Tim 2 : 2, notre préoccupation devrait être d’équiper d’autres, qui à leur tour, équiperont d’autres . Plus que maintenir, un ministère, un service ou un projet…

C’est eux l’avenir

Au fil de mes voyages, s’est constituée  une Communauté de mentors d’Afrique Francophone. (CMAF). Constituée de leaders africains avec lesquels je garde le contact, que j’encourage, que j’interroge. Lisez cet article. Après avoir pris du temps dans la prière, j’ai rapidement réalisé que je ne chercherai pas de successeur à mon propre ministère. Je vais demander à cette mission, dont la vision est d’encourager l’évangélisation en francophonie, de prendre en considération, non pas mon ministère, mais celui de TOUS ceux que j’ai accompagnés, en qui je me suis investis. Et de les soutenir – dans la mesure du possible !

Que mon plafond devienne votre plancher 

Un leader connu en France a utilisé cette expression pour illustrer que son accompagnement mentoral devrait accélérer le développement du ministère de ceux qu’il accompagnait. Excellente formule… Si elle est appliquée ! Je souhaite que cette mission, qui a manifesté tant de fidélité, tant de bonté en faveur de mon ministère, pour développement du mentorat et d’un sain leadership, offre à tous mes mentorés un plancher pour leur ministère. 

Savoir se retirer 

En méditant comment manifester la compassion de Dieu aux autres, Henri Nouwen développe l’idée d’un double ministère : celui de la présence et celui de l’absence. Comment être pleinement présent aux autres mais aussi savoir se retirer. Son idée est parfaitement transposable au leadership. 

Quand l’heure est venue…

Se retirer, le moment venu, à la fin d’une saison, est une chose que beaucoup ignorent. Les exemples de leaders restés présents, même dans l’ombre, à la fin de leur mandat, et qui ont ainsi exercé une influence négative, sont nombreux. Le seul vrai choix d’un leadership à l’image de Christ est celui du leadership de l’absence

Faire de la place à d’autres…

… pour favoriser l’action du Saint-esprit et  donner l’occasion à d’autres d’entrer dans leurs dons et ainsi multiplier, est encore plus difficile ! Trop de leaders spirituels ignorent ce qu’est le leadership de l’absence. Ils se pensent indispensables, et sentent obligés d’être partout à la fois. Ils ne multiplient pas. Examinons ces deux formes de leadership.

Le leadership de la présence

Le grand don que nous puissions faire, c’est de leur être présents, avec intelligence, mais d’être présents. C’est très important de prendre conscience de cette immense puissance de notre présence, et d’aider d’autres à y croire. […]

H. Nouwen Compassion Editions fidelité pages 18 à 21

Si Nouwen parle de manifester la compassion de Dieu, il en va de même dans le leadership. Nous savons developper le leadership de la présence. Accompagner, diriger, orienter, conduire, innover, être présent… Nous ne manquons pas d’idées ni de savoir faire. Le leadership de la présence présente pourtant un revers bien réel.

Beaucoup d’entre nous se sentent coupables de ne pouvoir en faire assez pour les autres. Nous avons nos engagements personnels qui nous prennent du temps. Et, si souvent, nous sommes conscients des besoins de tant de gens, de leurs problèmes, de leurs souffrances et nous sentons continuellement que nous ne faisons pas assez.  Nous devrions les voir plus souvent, leur rendre visite, leur être davantage présents, faire plus, et peu à peu notre vie intérieure s’alourdit de culpabilité. Notre vie est pleine de promesses que nous sommes incapables de tenir. Nous nous sentons mal à l’aise. Nous répétons aux autres que nous nous sentons coupables de ne pas arriver à tenir nos promesses. Nous ne sommes pas avec eux, mais avec notre sentiment de culpabilité. Nous nous torturons de ne pas être Dieu. Ce sentiment que nous devrions toujours faire davantage, être mieux, répondre à toutes les exigences de l’Évangile, fait partie de notre culture, de notre manière de vivre. Mais ce n’est pas ce que nous montre l’Évangile. L’Évangile nous dit que Dieu seul est compatissant, pas nous.

Henri Nouwen Ibid

Le parallèle avec le leadership est évident. Pratiquer vous le  leadership de la présence, et il vous pèse ? Vous ne savez plus où donner de la tête ? Est-ce parce que vous ne savez pas vous effacer ? Parce que vous ne pouvez pas vous absenter ? 

Le leadership de l’absence

Voilà ce qui est essentiel dans notre ministère : nous révélons Dieu non seulement par notre venue, mais aussi par notre départ. Nous devons donc oser dire :  – J’ai passé un moment avec vous et nous avons partagé, mais il est bon pour vous que je m’en aille. Dès lors, je ne me sens plus coupable. Il est temps pour moi de partir pour que Dieu puisse mieux se manifester à vous. 

Henri Nouwen Ibid

Je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille. En effet, si je ne m’en vais pas, le défenseur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. 

Jean 16 : 7

Jésus donne ici une leçon de leadership essentielle. Il vaut mieux pour vous que je m’en aille. Notre Seigneur a confié absolument tout y compris ses disciples eux-même au Saint-Esprit. Question pour chacun d’entre nous : Quelle place est-ce que j’accorde à l’oeuvre du Saint-Esprit dans toutes mes responsabilités de leader ? En particulier dans l’oeuvre qu’il accompli en qualifiant les autres de ses dons, et en le conduisant.

Paul modèle de leadership de l’absence

Il est frappant de voir à quel point Paul faisait confiance au Saint-Esprit et pratiquait le leadership de l’absence… 

Seulement, conduisez-vous d’une manière digne de l’Evangile du Christ. Ainsi, que je vienne vous voir ou que je sois absent, j’entendrai dire de vous que vous tenez ferme dans un même esprit, combattant d’un même cœur pour la foi de l’Evangile…

Phil 1 : 27

… L’Esprit saint qui habite en nous t’en donnera la force.   

2 Timothée 1:14

Et si certaines tensions dans l’exercice de nos responsabilités résultaient d’un manque de confiance dans l’œuvre transformatrice et la puissance de l’action du Saint-Eprit ? Savons nous exercer le leadership de l’absence qui accorde au Saint-Esprit toute sa place ?

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