Communauté-spirituelle

Une communauté spirituelle : un bien si rare !

Nous soupirons tous après des relations spirituelles profondes, vraies, qui contribuent faire grandir notre connaissance et notre ressemblance à Christ. Avec des amis spirituels, en qui nous avons confiance. Avec des accompagnateurs spirituels, qui puissent nous aider à découvrir et comprendre l’action du Saint-Esprit en nous. Pas seulement des relations individuelles. En groupe aussi ! Malheureusement nous constituons rarement une véritable communauté spirituelle, même dans notre Église !

Philippe rencontra Nathanaël et lui dit : «Nous avons trouvé celui que Moïse a décrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé: Jésus de Nazareth, fils de Joseph.»  Nathanaël lui dit: «Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth?» Philippe lui répondit : «Viens et vois.» Jésus vit Nathanaël s’approcher de lui et dit de lui: «Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a pas de ruse.»  «D’où me connais-tu ?» lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit: «Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.» Nathanaël répondit: «Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël. »

Jean 1 : 45 à 50

Deux clés dans ce texte :

Jésus vit Nathanaël s’approcher de lui et dit : «Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a pas de ruse.»

  • Jésus voit immédiatement ce qui est bon en Nathanaël…

«Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ?»

  • Le caractère de Nazareth était proverbialement mauvais. Être Galiléen ou Nazaréen était l’expression d’un mépris résolu. (Wesley). Nathanaël va-t-il s’en tenir à ses préjugés ? En suivant Philippe, Nathanaël les dépasse pour obtenir des preuves… que Jésus lui donnera. Heureusement !

Deux expériences

J’enseigne par Zoom pour une œuvre chrétienne en France. Je me connecte. Les participants s’ajoutent l’un après l’autre. L’ambiance est détendue, à la plaisanterie, contents de se retrouver en ce temps de pandémie. Tout à coup la conversation informelle dérive. On parle d’une autre dénomination chrétienne. Arguments peu nuancés. Un participant tente bien de dire comment lui cherche à développer des relations de collaboration en cultivant l’équilibre. Mais l’affaire est rapidement entendue : « De toutes façons, on sait ce qu’ils racontent, c’est toujours la même salade ! »  Je suis franchement mal à l’aise. J’ai d’autres informations à propos de cette dénomination qui montrent que le Saint-Esprit est à l’œuvre au sein de cette Église. Je n’ose plus rien dire !  Pire :  je pourrais ajouter que l’un de mes mentorés est évangéliste dans cette dénomination. Que je peux échanger profondément, en vérité avec lui, et que je vois clairement l’œuvre du Saint-Esprit dans sa vie et son ministère ! Mais c’est brusquement impossible. La relation spirituelle est brisée… Mon enseignement se déroulera bien. Il sera apprécié, d’après les retours qui me sont faits.  Depuis cette courte conversation me hante, mais en parallèle je découvre l’excellent ouvrage de Larry Crabb : L’endroit le plus sûr au monde Éditons La Clairière.

Avec mon épouse nous participons à une retraite spirituelle en visio-conférence. Nous vivons un temps d’écoute de Dieu, à trois couples. Nous constituons une véritable communauté spirituelle. Chacun est invité à s’exprimer sur son vécu. Je partage comment le Seigneur a renouvelé ma vision en cette période de pandémie. Après un temps de silence, j’accueille ce que les participants du groupe perçoivent. Deux participantes vont exprimer formuler des remarques, qui comme de la part du Seigneur, viennent renforcer, conforter des aspects très précis de ma vision. Soulignant ainsi des aspects inattendus que je n’avais pas encore perçus. C’est pour moi un profond encouragement de l’Esprit, dont je mettrais plusieurs jours à mesurer la profondeur et la portée. Une profonde bénédiction ! 

Constituer une communauté spirituelle 

Entre collaborateurs, entre leaders spirituels, nous devrions nous efforcer à tout prix de constituer une communauté spirituelle. Pas juste une équipe. Pas juste un groupe de collaborateurs productifs, pas même avec une bonne entente… Mais une communauté spirituelle telle que la défini Larry Crabb :

Dans la communauté spirituelle, les gens dialoguent : ils exposent leurs idées sans manipuler, ils écoutent sans préjugés, ils décident sans tenir compte de leurs intérêts personnels. L’absence de dialogue est la preuve la plus évidente que nous ne croyons pas que les autres méritent d’être écoutés ; c’est la preuve encore plus visible que nous-mêmes nous ne méritons pas de parler. Nos propos sont souvent si malsains, pas les paroles édifiantes que nous devrions prononcer.

Larry Crabb L’endroit le plus sûr au monde page 135, Edition La Clairière

La Vie dans une communauté spirituelle

L’âme du chrétien est régénérée rendue participante à la vie qui circule entre les personnes de la Trinite.

Larry Crabb Ibid page 138

Dans une communauté spirituelle, devrait circuler cette même vie. La critique, les préjugés n’ont pas seulement pour effet d’éloigner celui qui les profère de cette vie, comme dans mon illustration. L’Esprit est attristé. La vie même de cette communauté est atteinte. Elle ne circule plus. La liberté de partage, la possibilité d’un dialogue vrai, sincère, vulnérable, ne sont plus présentes. 

À l’écoute de Dieu

Quelle preuve détectons nous de l’engagement créatif de l’Esprit de Dieu dans la vie d’autrui ? C’est à cela que la communauté spirituelle accorde la priorité.

Larry Crabb Ibid page 38

C’est l’exemple de Jésus. Il discerne et souligne le bon dans le cœur de Nathanaël.

Jésus précise avoir vu cet homme sous son figuier. Pour quelles raisons cet homme s’était-il isolé sous un arbre ? Quelles étaient ses réflexions ? Sur sa vie ? Sur sa pratique religieuse ? Sur sa vie de couple ? Peu importe : Jésus voit la sincérité de Nathanaël… et la souligne.

Dans le premier exemple cité plus haut, les propos tenus, critiques, idées toutes faites, préjugés ont transformé ce groupe en communauté non spirituelle. Même si j’avais souligné l’oeuvre de l’Esprit dans cette autre dénomination, je n’aurais été ni entendu ni reçu… C’est pourquoi je me suis tu. Et ce qui m’a attristé profondément. Nous passons à côté de l’oeuvre de Dieu par notre seule faute.

Dans le second exemple, j’ai pu entendre l’Esprit me murmurer des pensées nouvelles pour mon propre minitère.

L’obstacle des préjugés 

Vous êtes leader spirituel ? Avez-vous des préjugés sur des personnes, des villes, des pays, d’autres œuvres ou d’autres Églises ? Quel est le résultat ? Vous ne pourrez pas discerner, à l’exemple de Nathanaël, ce qui est bon. En particulier ce que Dieu accomplit de bon… dans une personne… ou l’Église…. De plus vos préjugés vont influencer, et vos propos blesser.

Qu’aucune parole malsaine ne sorte de votre bouche, mais seulement de bonnes paroles qui, en fonction des besoins, servent à l’édification et transmettent une grâce à ceux qui les entendent. N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été marqués d’une empreinte pour le jour de la libération.

Éphésiens 4 : 29 & 30.

La communauté spirituelle : un lieu sûr

Pour partager en profondeur, donner notre point de vue, avoir des échanges vrais, partager notre vulnérabilité ou témoigner d’une expérience vécue différente, il faut être en sécurité.

Une tâche centrale de la communauté est de créer un lieu qui soit assez sûr pour qu’on puisse y renverser les murs, pour que chacun de nous puisse y dévoiler son brisement. Alors seulement, le pouvoir de connexion peut accomplir son oeuvre. Alors seulement Dieu peut se servir de la communauté pour rétablir notre âme.

Larry Crabb Ibid page 28

En réalité nous avons besoin d’amis spirituels, de gens brisés qui créent l’environnement dont nous avons besoin pour être brisés, des gens attentionnés qui désirent nous voir vivre et croient que nous pouvons vivre bien, des gens généreux qui répandent en nous la vie qu‘ils ont reçue de Dieu, des gens visionnaires qui voient l’Esprit nous façonner à l’image du Christ. Sans eux, nous nous contentons de beaucoup moins.

Larry Crabb Page 68

Pourquoi est-ce si difficile ?

Notre fonctionnement est trop souvent inspiré par notre ego ; désir de valorisation, de compétence, de performance, hâte de trouver des solutions. Ainsi nous mettons en place des solutions agréables. Dans une équipe de leaders spirituels, nous ne voulons pas de conflit, ce n’est pas bien ! Nous développons donc plusieurs stratégies. Par exemple :

Il est bon d’apprécier tout ce qui est agréable chez autrui. C’est de l’amabilité légitime. Il n’est pas bon de se tenir éloigné de quelqu’un pour éviter le choc de programmes opposés, ni de jouir du contact avec une personne en refusant toutefois de s’en approcher au point de risquer des conflits. C’est de la politesse défensive. Cette amabilité-la est illégitime.

Larry Crabb Ibid page 83

Je crois que nous sommes naturellement enclins à nous protéger et à nous mettre en valeur. Mais cela me pose un problème. Les psychologues croient que c’est un bien. Moi, je pense que c’est un mal.

Larry Crabb Ibid page 81

Pourquoi la communion spirituelle est-elle si rare ? À mon avis, parce qu’elle exige le brisement. Nous préférons impressionner en restant intacts que d’être brisés. Mais seuls des gens brisés font l’expérience de la communion spirituelle.

Larry Crabb Ibid page 51

Quelle est votre aspiration ?

J’ai le fardeau de voir se développer des communautés spirituelles dans lesquelles des amis et des directeurs [accompagnateurs] spirituels se connectent aux autres. J’aspire à voir des communautés dans lesquelles les gens se sentent assez sûrs pour être brisés. Où ils sont soutenus par la vision de ce que l’Esprit veut opérer en eux, même s’ils sont encore loin de ce but. Où la sagesse accordée par Dieu voit ce que l’Esprit est en train d’accomplir en ce moment et ce qui fait obstacle à son action. Où la vie littérale du Christ jaillit d’une personne pour se déverser dans une autre et la vivifier, et lui faire sentir le toucher divin.Ce que j’ai à l’esprit, ce sont des relations de connexion qui résolvent les conflits, et non des relations qui encouragent l’amabilité, la coopération, la consolation, qui donnent des conseils et incitent l’autre à se conformer. J’ai gouté à ce type de communauté. Le goût est agréable

Larry Crabb Ibid page 87

Premier responsable

J’ai souligné, en commençant, comment les préjugés et les critiques avaient fait basculer cette rencontre de leaders par Zoom en communauté non spirituelle, bloquant la communion et l’action de l’Esprit.  Combien de fois l’ai-je fait moi-même ? Lancer par facilité une blague pour faire retomber la tension, plutôt que d’être vrai et courageux et oser la confrontation ? Ne pas écouter l’autre jusqu’au bout, parce que l’idée qui vient de surgir dans mon esprit est forcément bien plus intelligente que celle de mon frère ou de ma soeur ! Laisser certains préjugés s’installer dans le regard porté sur certains frères ou sœurs, sans prêter attention à l’oeuvre du Saint-Esprit dans leur vie… Je pourrais continuer. Responsable d’étouffer la communauté spirituelle ! Je suis simplement reconnaissant que lentement, le Seigneur veuille bien m’apprendre à regarder les autres comme Lui les voit. Et désirer contribuer de tout mon cœur à développer autour de moi des communautés spirituelles . 

Je souscris pleinement  à ce qu’écrit Henri Nouwen :

 L’hypocrisie n’est pas tant le fait de ne pas vivre ce que je prêche que le refus de confesser mon incapacité à vivre en plein accord avec mes paroles. 

Henri Nouwen
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