Serez-vous leader « d’après » ? La tentation du pouvoir ! 3/3

La pandémie de COVID 19 est, pour la première fois, une crise effectivement mondiale. Nous ne mesurons pas encore son ampleur. Comment sera l’après ? L’Église de Jésus-Christ aura besoin de retrouver un équilibre, sans doute de nouveaux modes de fonctionnement, être plus attentive à des formes de souffrances plus présentes : deuils, pauvreté… Elle aura besoin de leaders capables de l’accompagner dans le monde d’après. Mais qui seront ces leaders ? Quelles devront être leur profil, leurs qualités ? En examinant les tentations de Jésus au désert, H. Nouwen décrit les tentations qui seront les notre dans le monde d’après et suggère des disciplines qui peuvent aider les leaders de l’après à résister à ces tentations comme Jésus, notre modèle, l’a si bien fait.

Une leçon clé

Après avoir renoncé à une prestigieuse carrière universitaire, Yale, Havard, H. Nouwen est devenu aumônier dans une communauté de l’Arche, auprès de personnes handicapées.  

D’une façon ou d’une autre, j’en étais venu à croire que vieillir et acquérir de la maturité me permettrait d’exercer de mieux en mieux le leadership. En fait, j’avais acquis plus de confiance en moi-même au cours des années. J’avais le sentiment de savoir quelque chose et d’avoir la capacité de l’exprimer et d’être écouté. Dans ce sens-là, je sentais que je contrôlais de plus en plus ma vie. Lorsque je suis allé vivre en communauté avec des personnes handicapées et leurs assistants, j’ai perdu tous mes contrôles. […] Sans le réaliser, les personnes avec qui j’étais venu vivre m’ont fait prendre conscience jusqu’à quel point mon leadership s’accompagnait encore d’un désir de contrôler des situations complexes, des émotions confuses et des esprits anxieux. Il m’a fallu beaucoup de temps avant de me sentir à I’aise dans ce climat imprévisible, et il y a encore des moments où Je m’impose en ordonnant aux personnes de se taire, de bien se comporter, de m’écouter et de croire ce que je dis. Mais je suis aussi en train d’apprendre que du leadership signifie dans une bonne mesure, être mené.

Au nom de Jésus page 61 et 62

La tentation du pouvoir

La troisième offre du diable porte sur le pouvoir. 

Le diable le transporta encore sur une très haute montagne. Là, il lui montra tous les royaumes du monde et leur magnificence. Puis il lui dit : —Tout cela, je te le donnerai si tu te prosternes devant moi pour m’adorer.

Matthieu 4 : 8

H. Nouwen pose une bonne question ; pourquoi tant de personnes quittent l’Église, ou leur église ? Quelle en est la raison première selon vous ? Pour l’auteur, sa réponse spontanée est le « pouvoir ». Et je ne suis pas loin de partager sa conviction. Témoin de plusieurs de crises ou de ruptures dans des œuvres ou des églises, je constate que si des arguments théologiques sont invoqués en façade, la réalité de ces conflits est bel et bien le  pouvoir et son acolyte : le contrôle… ou la peur de la perte du contrôle.

L’une des grandes ironies de l’histoire du christianisme est que ses leaders ont constamment cédé à la tentation du pouvoir : pouvoir politique pouvoir économique, pouvoir militaire et pouvoir moral et spirituel. Ces mêmes leaders ont pourtant continué à parler au nom de Jésus, lui qui ne s’est pas cramponné à son pouvoir divin mais s’est totalement dépouillé pour devenir l’un de nous. La plus grande tentation est de considérer le pouvoir comme un instrument utile pour la proclamation du message évangélique. On ne cesse d’entendre de tous les côtés qu’avoir du pouvoir, pourvu qu’on l‘utilise au service de Dieu et de ses frères, est une bonne chose et l’on a souvent manipulé moralement les consciences. […]  Lorsque nous examinons les grandes crises qui se sont produites au cours de l’histoire de l’Église, que ce soit le grand schisme du X° siécle, la Réforme du XVI siècle ou la sécularisation sans précédent du XX° siècle, nous constatons qu’une cause majeure de rupture fut le pouvoir exercé par ceux qui prétendaient être disciples du pauvre et impuissant Jésus.

Ibid page 63 64.

Qu’est-ce qui rend la tentation du pouvoir apparemment si irrésistible ? 

Peut-être parce que le pouvoir offre un substitut à la difficile tâche d’aimer. Il semble plus facile d’être Dieu que d’aimer Dieu, de contrôler les gens que d’aimer les gens, de posséder la vie que d’aimer la vie. Jésus nous demande : « M’aimes-tu ? » Nous demandons : « Pouvons-nous nous asseoir à ta droite et à ta gauche dans ton Royaume ? » (Mt 20, 21) Depuis le jour où le serpent a dit: « Le jour où vous mangerez du fruit de cet arbre, vos yeux s‘ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent et le bien et le mal » (Gn 3, 5), nous avons été tentés de remplacer l’amour par le pouvoir. Jésus a vécu cette tentation de la façon la plus déchirante, du désert jusqu’à la croix, et la longue et douloureuse histoire de l’Église est histoire d’un peuple qui a choisi le pouvoir plutôt que l’amour, le contrôle plutôt que la croix, le désir de mener plutôt que celui d’être mené.  Une chose qui m’apparait clairement, c’est que la tentation du pouvoir est énorme lorsque l’intimité représente une menace. Plusieurs personnes qui exercent une tache de leadership ne savent pas comment développer une relation d’intimité, préférant contrôler et dominer. De nombreux bâtisseurs d’empires chrétiens sont des gens incapables d’aimer et d’être aimés.

Ibid pages 65 & 66

Qu’est-ce qui rend la tentation du pouvoir apparemment si irrésistible ? Peut-être parce que le pouvoir offre un substitut à la difficile tâche d’aimer. Il semble plus facile d’être Dieu que d’aimer Dieu, de contrôler les gens que d’aimer les gens, de posséder la vie que d’aimer la vie.

Livre apparement introuvable

Le défi du leader-serviteur

Vraiment, je te l’assure: quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre nouera ta ceinture et te mènera là où tu n’aimerais pas aller.

Jean 21 : 18

Ces paroles touchent au coeur du leadership chrétien et nous sont adressées pour offrir constamment de nouvelles façons d’abandonner le pouvoir et de suivre l’humble voie de Jésus. Le monde nous dit : « Quand tu étais jeune tu étais dépendant et tu ne pouvais pas aller ou tu voulais mais, une fois devenu vieux, tu pourras prendre tes propres décisions, aller ton propre chemin et contrôler ta propre destinée. » Mais Jésus possède une vision différente de la maturité : c’est la capacité d’être mené là où on ne voudrait pas aller. Immédiatement après qu’il eût confié à Pierre la mission d’être le berger de son troupeau, Jésus I’a confronté à la dure réalité : le leader-serviteur est celui qui est mené vers des endroits inconnus, indésirables et douloureux. La voie du leader chrétien n’est pas celle du mouvement vers le haut, dans lequel notre monde a tellement investi, mais bien celle du mouvement vers le bas, qui aboutit à la croix. Cela peut sembler morbide et masochiste, mais pour ceux qui ont entendu la voix du premier amour et y ont répondu de façon positive, suivre le mouvement descendant de Jésus mène à la joie et à la paix de Dieu, une paix et une joie qui ne sont pas de ce monde.  

Ibid  page 67 et 67

La qualité du leader d’après 

Nous touchons ici à la plus importante qualité du leadership chrétien de l’avenir. Ce n’est pas un leadership de pouvoir et de contrôle, mais un leadership d’impuissance et d’humilité par lequel le Serviteur souffrant de Dieu, Jésus Christ, se manifeste. Je ne parle évidemment pas d’un ministère psychologiquement faible ou le pasteur chrétien est simplement la victime passive des manipulations de son milieu. Non, je parle d’un leadership où le pouvoir est constamment abandonné en faveur de l’amour. C’est là un vrai ministère spirituel. L’impuissance et l’humilité dans la vie font pas référence à des gens qui n’ont pas de colonne vertébrale et qui laissent tout le monde prendre les décisions à leur place. Elles font plutôt référence à des gens profondément en amour avec Jésus et prêts à le suivre n’importe où, ayant confiance qu’avec lui ils trouveront la vie en abondance

. Ibid Page 68

La  discipline de la réflexion théologique ?

Tout comme la prière nous maintient en contact avec l’amour premier et que la confession et le pardon font du ministère une expérience de communion et de réciprocité, une réflexion théologique soutenue nous permettra de discerner de façon critique ce vers quoi nous sommes menés. […]

 Ibid page 70

Le leader chrétien pense, parle et agit au nom de Jésus, qui est venu libérer I’humanité des pouvoirs de la mort et ouvrir le chemin menant à la vie éternelle. Un tel pasteur doit étre capable de continuellement discerner comment Dieu agit dans l’histoire humaine et comment les événements personnels, communautaires, nationaux et internationaux qui forment la trame de nos vies peuvent nous rendre davantage sensibles aux diverses façons dont nous sommes menées à la résurrection par le chemin de la croix. La tâche des leaders chrétiens du futur n’est pas de chercher une solution aux souffrances et aux tribulations de leur temps mais d’annoncer comment Jésus est en train de sortir le peuple de Dieu de son esclavage, à travers le désert, vers une terre de liberté. Les leaders chrétiens ont la difficile tâche de répondre aux luttes personnelles, aux conflits familiaux, aux tensions nationales et internationales par une foi claire en la présence réelle de Dieu. Bref, ils doivent refuser le monde séculier et proclamer de façon claire que l’incarnation du Verbe de Dieu, par qui toute réalité a pris forme, transforme les événements les plus insignifiants de l’histoire humaine en Kairos, c’est-à-dire en des occasions d’entrer en union plus étroite avec le coeur du Christ. Les leaders chrétiens de l’avenir doivent être des théologiens, des gens qui connaissent le coeur de Dieu, qui sont formés — par la prière, l’étude, et une soigneuse analyse – à manifester la présence divine et rédemptrice du Père au milieu des événements apparemment fortuits de leur temps. La réflexion théologique, c’est réfléchir sur les réalités douloureuses et joyeuses du quotidien dans l’esprit de Jésus et, par le fait même, accepter consciemment d’être guidé avec douceur par Dieu.

Ibid Page 71 & 72

Conclusion

Nous sommes à un moment clé. Nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences de cette pandémie de Covid 19. Quelles en seront les conséquences spirituelles, au-delà des conséquences économiques et sociales ? C’est là que les leaders chrétiens de l’après devront être en mesure d’être menés par l’Esprit à discerner, comprendre les questions, les besoins, de ceux qui nous entourent. Pour proposer des réponses incarnées en Jésus. Pour cela résister aux tentations de la pertinence, de la popularité, et du pouvoir, et choisir les disciplines de la prière, de la confession et du pardon, et de la réflexion théologique.

Que Dieu nous conduise, chacun, à une vie spirituelle personnelle et à leadership à la ressemblance de Christ. 

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