Quels leaders pour « l’après » ? 1/3 – La tentation de la pertinence

La pandémie de COVID 19 est ,pour la première fois, une crise vraiment mondiale. Nous ne mesurons pas encore l’ampleur. Elle soulève un nombre incalculable de questions. Comment seront toutes choses après ? L’Église de Jésus-Christ aura besoin de retrouver un équilibre, sans doute de nouveaux modes de fonctionnement, être plus attentive à des formes de souffrance plus présentes : deuils, pauvreté… Elle aura besoin de leaders capables de l’accompagner dans le monde d’après. Mais qui seront ces leaders ? Quelles devront être leur profil, leurs qualités ? Henry Nouwen dans un petit livre, Au nom de Jésus Éditions Novalis (Apparemment introuvable aujourd’hui) fait des suggestions originales pertinentes… et prophétiques ! Celles-ci sont inspirées de son itinéraire : après avoir renoncé à une prestigieuse carrière universitaire, Yale, Haward, il est devenu aumônier dans une communauté de l’Arche, auprès de personnes handicapées.  

Vulnérable

Ces gens démolis, blessés et sans aucune prétention m’ont obligé mettre de côté mon « moi » compétent mon « moi » qui peut faire des choses, montrer des choses, prouver des choses et construire des choses, et à reprendre possession de ce « moi » qui est complétement vulnérable et prêt à accueillir et répandre l’amour, indépendamment de ses réalisations. Si je vous raconte tout cela, c’est que je suis convaincu que le leader chrétien de l’avenir est appelé à n’accomplir rien qui soit pertinent et à se situer dans le monde sans rien d’autre à offrir que leur personne toute vulnérable. C’est la façon dont Jésus est venu nous révéler le message d’amour de Dieu. Le merveilleux message que les ministres de la Parole de Dieu et les disciples de Jésus doivent présenter, c’est que Dieu nous aime non pas à cause de ce que nous faisons ou accomplissons, mais parce que Dieu nous a créés et sauvés par amour. […] La première tentation de Jésus fut de montrer sa pertinence en changeant les pierres en pain.

Au nom de Jésus pages 26 & 27

Faire quelque chose

Nous sommes tous dépassées et pourtant désireux, de faire quelque chose de pertinent face à la maladie, à la misère ou l’injustice. Pourtant :

Jésus fut confronté à ces mêmes questions, et lorsqu’on lui demanda de transformer les pierres en pain, il demeura fidèle à sa mission de proclamer la Parole :  » L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.  »

Ibid page 28

Or nous nous sentons limités, avec peu d’influence sur le monde qui nous entoure. La voie de l’Église est si peu significative aux oreilles et au yeux de notre société. La question jugée par certains comme parfaitement secondaire de la réouverture des lieux de culte l’illustre bien. Le discours ambiant est plutôt celui-ci :

Nous avons le contrôle

Le monde séculier dans lequel nous vivons nous dit d’une voix forte : « Nous pouvons prendre soin de nous. Nous avons le contrôle. Nous n’avons pas besoin de Dieu, de L’Église ou des prêtres. Et si nous n’avons pas le contrôle, nous devons nous efforcer de l’obtenir. Le problème n’est pas un manque de foi, mais un manque de compétence. Si vous êtes malades, vous avez besoin d’un médecin compétent ; si vous êtes pauvres, vous avez besoin de politiciens compétents, et si vous faites face à des problèmes techniques, vous avez besoin d’ingénieurs compétents, si des guerres éclatent, vous avez besoin de bons négociateurs. On a eu recours à Dieu, à l’Église et aux prêtres pendant des siècles pour combler les vides de l’incompétence. Aujourd’hui, ces vides ont été comblés et nous n’avons plus besoin de réponses spirituelles à des questions d’ordre pratique.

Ibid page 29

Cette pandémie révèle les limites de cette capacité supposée de contrôle, dans de nombreux domaines : médical, économique, politique. Pourtant, aux yeux d’un monde de plus en plus sécularisé, nourrit de contre exemples, soi-disant évangéliques sinistrement mis en exergue,  l’Évangile semble de moins en moins pertinent, de plus en plus marginal. La tentation de prouver le contraire est grande. H. Nouwen précise :

Il y a toutefois une tout autre interprétation de la réalité. Derrière les grands accomplissements de notre temps se cache un profond courant de désespoir. Alors que l’efficacité et le contrôle représentent de grandes aspirations pour notre société, la solitude, l’isolement, le manque d’amitié et d’intimité, les relations rompues, l’ennui, les sentiments de vide et de dépression et un profond sentiment d’inutilité pèsent lourd sur le coeur de millions de personnes vivant dans cette société orientée vers le succès.

Ibid Page 30

Nouwen souligne encore l’immense besoin de nos contemporains de ne pas être laissé pour compte, d’être acceptés, aimés, encouragés, de pouvoir parler de leur propre vulnérabilité sans être rejetés.

Leader du futur ?

C’est ici que le besoin du leadership chrétien apparaît. Le leader du futur [dans le monde d’après] est celui ou celle qui osera proclamer sa  non-pertinence dans le monde contemporain  comme vocation divine et se montrant solidaire des victimes de l’angoisse cachée derrière l’éclat du succès d’y apporter la lumière de Jésus.

Ibid 31 & 32
Livre apparement introuvable

En contrepoint des tentations de Jésus, qui nous renvoie aux nôtres leaders chrétiens d’aujourd’hui, Henri Nouwen examine le dialogue entre Jésus et Pierre, pour en dégager les qualités que nous devrons offrir. Lire Jean 21 15 à 20.

M’aimes-tu ? 

Avant de confier à Pierre la mission de berger, Jésus lui demanda : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui demanda à nouveau : « M’aimes-tu ? » Et une troisième fois, il lui demanda : « M’aimes-tu ? » Nous devons entendre cette question comme une question centrale pour tout notre ministère chrétien parce qu’elle peut nous permettre d’être sans pertinence demeurant pleinement confiants. Regardons Jésus. Le monde ne lui a pas porté attention. II fut crucifié et mis de côté. Son message d’amour fut rejeté par un monde en recherche de pouvoir, d’efficacité et de contrôle. Il est toutefois apparu, avec la marque de ses blessures sur son corps glorifié, à quelques amis qui avaient des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un coeur pour comprendre. Ce Jésus inconnu, rejeté — et blessé a simplement demandé : « M’aimez-vous, m’aimez-vous vraiment ? » Cet homme, dont la seule préoccupation avait été d’annoncer l’amour tout à fait gratuit de Dieu ,avait seulement une question à poser : « » La question n’est pas : combien de personnes vous prennent au sérieux ? Combien de choses allez-vous pouvoir accomplir ? Avez-vous des résultats à montrer ? La question est : « Êtes-vous en amour avec Jésus ? » Une autre façon de poser cette question serait : « Connaissez-vous le Dieu incarné ? » Dans notre monde de solitude et de désespoir, il y a un besoin énorme d’hommes et de femmes qui sont près du coeur de Dieu, un coeur qui pardonne, qui se soucie des êtres humains, qui veut les rencontrer et les guérir. Dans ce coeur, il n’y a pas de soupçon, de revanche, de ressentiment, et encore moins de haine. C’est un coeur qui veut seulement donner de l’amour et en recevoir comme réponse. C’est un coeur qui souffre énormément car il voit l’immense douleur humaine et le refus de faire confiance à Dieu qui veut offrir consolation et espoir.
Le leader chrétien du futur est celui qui connait vraiment le coeur de Dieu, un coeur qui est devenu chair en Jésus.

Ibid pages 32 &33

Une connaissance profonde, intime de Jésus

Il n’est pas suffisant que les prêtres et les ministres du futur soient des personnes de bonnes mœurs, bien formées et désireuses d’aider leurs frères et soeurs et de répondre de façon créative aux questions brûlantes de leur temps. Tout ceci est valable et important, mais ce n’est pas I ‘essentiel du leadership chrétien. La question la plus importante est la suivante : « Est-ce que les leaders du futur sont vraiment des hommes et des femmes de Dieu, des personnes ayant un ardent désir de demeure en présence de Dieu, écouter la voix de Dieu, de regarder la beauté de Dieu, de toucher le Verbe incarné et de goûter pleinement la bonté infinie de Dieu ? » […] Mais il est d’une importance fondamentale que le leader chrétien du futur se réapproprie l’aspect mystique de la théologie afin que chaque parole prononcée, chaque conseil donné et chaque stratégie développée proviennent d’un coeur, qui connaît Dieu intimement.

Ibid pages 37 & 38 

Conclusion

Les leaders chrétiens ne peuvent pas être simplement des personnes qui sont bien renseignées sur les questions brillantes de notre temps. Leur leadership doit être enraciné dans une intime et permanente relation intime avec le Verbe incarné, Jésus,  et c’est dans cette relation qu’ils trouveront les paroles  à dire et les conseils à donner.

Ibid page 39

À suivre…

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