Je voudrais interpeller les leaders spirituels que vous êtes, sur une question et qui me touche profondément. Question trop rarement évoquée. Quelle place pour les handicapés dans l’Église ?
Je vous propose un témoignage, celui de mon amie et de ma soeur en Christ, Anaëlle D., atteinte de trisomie 21. Elle a donné ce témoignage lors d’une retraite à laquelle elle a participé. Le style interview, les propos d’Anaëlle ont été conservés. Je vous propose ensuite les réflexions d’une maman d’handicapé.
Anaëlle peux-tu présenter ?
Je m’appelle Anaëlle et j’ai 27 ans. J’habite avec ma famille en Alsace, j’ai un frère et une soeur et je suis l’aînée. Je travaille dans un village à 20 km de chez moi . Et je prends le train tous les jours pour y aller. Mes parents m’accompagnent à la gare le matin parce qu’il y a souvent des problèmes de trains. Et maintenant des grèves… Mais je rentre toute seule le soir avec mon gilet jaune. Je connais le chemin par coeur !
Quelles sont tes activités sportives ?
Tous les lundis, je vais au fitness avec ma meilleure amie Audrey [Qui pose les questions]. Parfois je vais en week-end chez elle et on se fait un programme entre filles, sans les parents. En 2015, j’ai eu la médaille d’argent au tennis de table lors du championnat d’Alsace en sport adapté. Mais ce que je préfère, ce sont les chevaux et j’ai beaucoup fait d’équitation avec ma psychométricienne quand j’étais petite. Même de la voltige !
Je fais du vélo d’appartement et j’aime faire du vélo tandem avec mes parents dès que le printemps arrive. J’aime bien être en famille, ça me rassure. Ma famille aime la montagne et c’est super de randonner ensemble dans la nature. Même si mes pieds me font mal parfois. On a trouvé des chaussures qui me soulagent ! La piscine, c’est trop cool et je fais toujours 30 longueurs avec ma ceinture, toute seule.
Qu’est-ce que tu aimes bien encore ?
J’aime beaucoup la musique, j’aime danser et chanter avec mon micro. J’aimerais bien participer à The Voice et choisir mon coach ! Mon coup de coeur c’est Florent Pagny…
J’aime faire des perles à repasser, du coloriage, des jeux de société et passer du bon temps en famille. Je gagne souvent mais c’est parfois un peu difficile de perdre ! Avec ma mamie, je fais de la couture et j’ai appris à faire du point de croix avec mes petits doigts un peu tordus. Je fais de belles nappes que j’offre ensuite en cadeau pour faire plaisir ! Je vais faire du shopping de temps en temps et c’est moi qui paye mes achats avec ma carte. Je préfère faire le code secret mais pas le sans contact !
J’avoue que j’aime bien manger mais aussi faire la cuisine. Je sais même faire la tarte au fromage blanc presque toute seule, et à la fin je peux lécher le plat et la spatule. J’aime les légumes, surtout les frites ! J’avoue que je suis gourmande, je mange de tout sauf les épinards…
Tu te souviens du moment ou tu as accepté le Seigneur ?
Moi, j’ai toujours accepté le Seigneur et depuis que je suis petite, je veux le suivre et être son disciple. Je me suis fait baptiser le 22 juin 2014 avec mes lunettes de plongée et ma bouée ceinture que j’avais pris dans mon sac au cas où, pour pas me noyer. On a enregistré mon témoignage sur un DVD parce que j’avais trop d’émotions pour parler devant tout le monde. Après j’ai mis le DVD dans une enveloppe avec une adresse pour l’envoyer au ciel car je voulais le montrer à Jésus. Moi, j’aime beaucoup le groupe Héritage. Dans une chanson que je préfère, il chante : « jusqu’au bout je veux te suivre dans les bons les mauvais jours à toi pour mourir et vivre à toi Jésus pour toujours ». Je ne comprends pas tout ce qu’il dit dans le chant. Mais je veux suivre Jésus jusqu’au bout et je veux le suivre partout.
Qu’est-ce qui est difficile pour toi ?
Ma trisomie est difficile pour moi, je voudrais tellement être comme les autres et avoir plein d’amis, faire des soirées pyjamas des activités cinéma, bowling etc… Et avoir une voiture et surtout plus porter le handicap. J’ai aussi le syndrome de Gilles de la Tourette. Cela me donne beaucoup de tics et j’ai aussi beaucoup de tocs qui m’embêtent. Parfois les gens me regardent bizarrement ou rigolent et j’aime pas ça, alors je pleure. Et aussi quand on est dans les réunions j’aimerais que on me parle. Je n’aime pas me sentir toute seule, c’est pour ça que je reste souvent à coté de mes parents. Aussi ce qui est dur, c’est de subir parfois des choses difficiles à l’Esat. Mais je me souviens aussi du chant de Héritage : « Non jamais tout seul, Jésus mon sauveur me garde, je ne suis jamais tout seul ». C’est aussi mon préféré, j’ai plein de préférés ! Mais quand Jésus viendra me chercher je serais débarrassée de ce handicap, ce fardeau, il est pour moi comme une valise qui est trop lourde.
As-tu un verset préféré ?
Mon psaume préféré est le Psaume 42 :
Comme une biche soupire après les courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi ô Dieu. Mon âme à soif de Dieu, du Dieu vivant.
Verset 6 : Pourquoi être abattue, mon âme, et gémir en moi ? Espère en Dieu car je le louerai encore ! il est mon salut et mon Dieu
Verset 7 : Mon âme est abattue en moi : aussi c’est à toi que je pense depuis l’ESAT [Établissement et service d’aide par le travail fréquenté par Anaëlle] ou depuis ma maison. J’aime, troooop ce psaume ! Alors tous les jours je reprends le courage et je dis : toutes les journées sont des bonnes journées. Ben oui, ça va bien, pourquoi ça n’irait pas !
Psaume 42
Comment aimes-tu servir Jésus ?
Moi je fais toujours des messages par SMS en semaine. Et par WhatsApp le weekend à cause du wifi pour prendre des nouvelles de mes contacts. J’ai une liste de contacts pour chaque jour. Je veux savoir s’ils vont bien. Et quand je sais que quelque chose ne va pas chez quelqu’un, je lui dis que ça va aller et que je prie. Après je le dis toujours au Seigneur pendant la prière du soir avec mes parents. Tous les soirs, c’est prière du soir. Et même si c’est 4h00 du matin comme après un mariage, il faut faire la prière. C’est un peu un toc, mais c’est important. Moi je ne sais pas comment je peux servir Jésus autrement. Alors je fais ça et ma famille me dit que c’est très bien et que c’est ma petite mission. Et on m’a dit que cela encourage beaucoup. Anaëlle D.
Reproduction de ce témoignage interdite sans autorisation.
Je vous propose en contrepoint, de larges extraits d’un article Nataly Maxwell
Les handicapés bienvenus dans l’Église ?
Le point de vue de parents
En tant que parent d’enfants handicapés, il est fréquent d’entendre un fidèle dire que toutes les vies sont faites à l’image de Dieu. Il est alors décourageant de constater qu’il ferme les yeux sur la discrimination. Nous vous faisons confiance en inscrivant nos enfants à l’école du dimanche. Puis, après les avoir trouvés à maintes reprises assis seuls à une table alors que tous les autres enfants étaient assis ensemble, nous recevons le message que l’inclusion n’est pas quelque chose qui compte pour vous. […]
Comment pouvez-vous dire que tous sont les bienvenus dans votre église si les personnes handicapées ne peuvent pas entrer en toute sécurité dans votre bâtiment ? […]
Il n’est pas rare que des parents, souvent privés de culte, de camaraderie et de répit, soient obligés de choisir entre l’école du dimanche pour leur enfant et leurs propres besoins spirituels.[…]
Et lorsque l’enseignante de l’école du dimanche a déclaré que mon fils « ruinait son cours d’école du dimanche » parce qu’il ne voulait pas faire les feuilles de travail (il est aveugle et ne peut physiquement pas les faire), ce message était clair et net. Vous vous souciez moins d’aimer les personnes vulnérables que de remplir des fiches de travail sur l’amour de Dieu. […]
Parfois, les églises disent aux parents que leur enfant ne peut pas participer au ministère des enfants, mais leur demandent ensuite de quitter le service lorsque leur enfant est trop bruyant ou dérangeant. Combien de dimanches seriez-vous resté seul devant les portes du sanctuaire avec votre enfant ou votre adolescent avant de décider que cela ne servait à rien ?
Église, ils ont besoin de vous !
Lorsque nous n’incluons pas les personnes handicapées, tout le monde en souffre. L’individu, la famille et l’Église sont incomplets. Lorsque vous placez les enfants ayant des besoins particuliers à des tables différentes ou que vous les enfermez dans des pièces séparées, vous envoyez le message aux autres enfants qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec ceux qui ont une apparence et un comportement différents.
L’Église devrait être le reflet de la personne de Jésus. Lorsque nous pratiquons la discrimination, nous ne faisons pas que nuire à notre témoignage. Nous blessons aussi le cœur du Père :
Je vous le dis en vérité, tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.
Matthieu 25 : 40
Église, tu as besoin d’eux !
En lisant les Écritures, je vois Jésus apporter à plusieurs reprises ce message sur lequel nous devrions nous concentrer pendant que nous traversons cette vie terrestre. C’est un message sur le fait de nous faire passer en dernier et de perdre notre vie. Il dit clairement que ce sont ceux qui sont considérés comme les plus petits dans cette vie qui recevront la place d’honneur dans la prochaine. Si l’amour de mon fils et de ma fille m’a appris quelque chose, c’est que je dois leur ressembler davantage. Avant de connaître mes enfants, j’avais pitié des personnes handicapées, car je pensais qu’elles ne pouvaient pas comprendre les choses supérieures de Dieu. J’avais tort, et c’est ce que j’aimerais faire comprendre à l’Église.
Mon objectif est simple. Je veux faire passer le message à l’Église que les familles qui ont des enfants handicapés ont besoin de vous et que vous avez besoin d’elles.
Certaines vérités précieuses, certaines bénédictions, ne s’obtiennent qu’en s’asseyant à la table du banquet avec ceux que le monde a mis de côté. Viendrez-vous au banquet, Église ? Nataly Maxw
Pour aller plus loin :
Lisez cet article : PORTER L’ÉGLISE AUX PERSONNES EN SITUATION D’INCAPACITÉ