L’intitulé du sujet comporte trois éléments :
- L’image de Christ (le modèle auquel le leader est censé se conformer)
- La personne du leader
- Son identité
Quatre remarques introductives
1 – Il faut bien le reconnaître : le plus souvent, nous sommes davantage préoccupés par le ministère et le service que par l’identité ou la personne du serviteur.
2 – Je présume que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que être est plus important que faire, avoir ou produire… : c’est mon identité qui importe le plus et non mon statut ou mon ministère.
3 – S’il importe de faire la différence entre la personne du leader et son ministère, pour autant, l’identité d’un leader se manifeste dans le fruit de son ministère.
Jésus a bien dit que si l’arbre est bon, le fruit le sera également, tandis que si l’arbre est mauvais, le fruit le sera inévitablement et un bon arbre ne peut que produire du bon fruit tout comme il est impossible qu’un mauvais arbre produise un bon fruit ! C’est bien au fruit que l’on reconnaît l’arbre : l’identité ou la marque de fabrique du leader se retrouve ou se révèle en bonne partie dans le fruit de son ministère, à la manière d’un miroir reflétant le visage qui lui fait face…
C’est la raison pour laquelle dans les exigences que Paul fixe dans 1 Tm 3 à l’attention de tout candidat au service, les qualités morales, spirituelles et relationnelles conditionnent la légitimité d’un ministère digne de ce nom : fidélité conjugale, pureté morale et sexuelle ; équilibre et sobriété ; être sociable et tourné vers autrui ; savoir maîtriser ses désirs, ses passions, ses hormones ; être conciliant, pacifique ; financièrement désintéressé ; assumer correctement ses responsabilités familiales ; avoir fait ses preuves et jouir d’un bon témoignage à l’extérieur… La seule condition technique au ministère requise d’un responsable spirituel est l’aptitude à l’enseignement.
4 – Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup.
(Mt 20.26-28)
À l’exemple de Jésus, il est évident que la caractéristique numéro un d’un leader spirituel est l’esprit de service qui passe par l’abaissement dans l’humilité. La véritable identité d’un leader se vérifie à son degré d’imitation du Christ et plus il sert à promouvoir l’avancement du royaume de Dieu, plus il révèle une identité conforme à l’image de Jésus. »
Ce cadre étant posé, je vous invite à aborder les thématiques suivantes : le mystère de l’incarnation de Jésus ; l’importance de la vocation ; notre motivation ou mode de fonctionnement ; diverses implications de notre identification à Jésus-Christ.
L’obéissance de Jésus, révélatrice de son identité ou l’incarnation de Jésus, comme modèle d’humilité
Par l’union du divin et de l’humain, Jésus devint le chef d’une nouvelle humanité dans laquelle ceux qui croient en lui sont unis à lui, ont part à sa filiation divine, deviennent cohéritiers avec lui de la gloire et ont part à la nature divine (Rm 8.17,29-30 ; 2 P 1.4). Comme quoi l’incarnation de Jésus nous est, à tout point de vue, entièrement avantageuse et profitable :
Car vous savez comment notre Seigneur Jésus-Christ a manifesté sa grâce envers nous: lui qui était riche, il s’est fait pauvre pour vous afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis.
2 Co 8.9.
Examinons le texte qui traite par excellence de l’incarnation : Philippiens 2.1-11. Dans ce passage, Paul prend pour exemple suprême d’humilité, Jésus, le Serviteur souffrant de l’Éternel dans son humiliation et le Serviteur glorifié dans son exaltation. Voilà ainsi résumée l’identité de Jésus, abaissé puis exalté.
Les 2 premiers versets soulignent les privilèges qui nous sont acquis et garantis en Christ : l’encouragement, le réconfort dans l’amour, la communion par l’Esprit… Ce qui, selon Paul, est de nature à nous inciter à rechercher l’unité de cœur et de vision.
Ne faites donc rien par esprit de rivalité, ou par un vain désir de vous mettre en avant ; au contraire, par humilité, considérez les autres comme plus importants que vous-mêmes »
v.3.
Non à l’esprit de compétition et à une attitude de supériorité qui nous amènerait à défendre notre propre droit dans le souci d’affirmer notre domination ou d’imposer notre pouvoir sur autrui… On pense à l’attitude exemplaire de Jean-Baptiste qui, dans l’exercice de sa mission, n’avait aucun intérêt personnel à défendre… L’appel à l’unité et à l’humilité est motivé par notre rapport au Christ (v.5).
Dans les versets 6 à 8, Paul affirme que l’incarnation de Jésus constitue le modèle d’humiliation à suivre : Jésus n’ayant nullement cherché à se prévaloir de sa condition divine a au contraire accepté de s’en départir. Howard Marshall fait remarquer que l’accent porte sur un contraste saisissant :
Cet être qui était à l’origine comme Dieu, par nature et apparence, est devenu ensuite comme un être humain, par nature et apparence. Le contraste n’implique pas qu’il a cessé d’être divin dès lors qu’il est devenu humain. L’être en question se dépouille des privilèges que lui conférait son statut divin et il consent à adopter la position d’esclave au point même de se rendre obéissant à Dieu en acceptant de mourir.
Un peu comme si Bill Gates renonçant à sa fortune se faisait SDF tout en la conservant…
Le renoncement volontaire de Jésus à lui-même a induit un changement de condition :
…mais il s’est dépouillé lui-même, et il a pris la condition du serviteur.
v.7a-b
Époustouflante, la cohabitation simultanée de la double nature de Jésus qu’affirme Paul en Colossiens 2.9 :
Car en lui, habite corporellement toute la plénitude de la divinité. !
C’est le mouvement diamétralement opposé à l’esprit de l’antichrist, l’homme qui cherche à se faire Dieu !
L’incarnation de Jésus correspond à une identification complète à notre humanité (v.7c) : il est devenu parfaitement humain, avec tout ce que cela comporte. L’obéissance de Jésus, librement consentie, l’a amené à s’abaisser jusqu’à subir la mort en croix (v.8), au comble de l’humiliation.
De sorte qu’il convient d’affirmer les deux vérités suivantes : en aucune façon, la condition divine de Jésus ne se trouve anéantie ou oblitérée par sa condition humaine ; tout comme en aucune façon, la condition humaine de Jésus ne se trouve anéantie ou oblitérée par sa condition divine.
Les versets 9-11 affirment l’exaltation du Fils à la gloire de Dieu. L’élévation au-delà de la mort, après l’humiliation :
C’est pourquoi Dieu l’a élevé à la plus haute place et il lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom.
v.9.
La finalité de l’exaltation de Jésus (v.10-11) vise l’allégeance universelle prêtée à la seigneurie de Jésus :
que chacun déclare ‘Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père’ »
Quelles déductions tirer de l’incarnation de Jésus, comme modèle d’humilité ? John Stott avait bien raison quand il disait :
Dieu rend les hommes plus humains en les rendant semblables à Christ.
Notre défi consiste à incarner un christianisme à visage humain : assumer notre double citoyenneté (céleste et terrestre) et notre double condition (humaine et spirituelle), sans avoir à choisir l’une au détriment de l’autre ou sans que l’une ne se substitue à l’autre… Or, dans cette matière, tout est dans l’art et la manière, question d’équilibre… Le grand apôtre Paul, dans le testament spirituel qu’il signe dans sa seconde lettre à Timothée, offre un modèle remarquable quant à la façon de conjuguer sa spiritualité avec sa propre humanité. Notamment dans les versets 6 à 20 du 4ème chapitre où il :
- assume sa propre mortalité (v.6)
- fait son propre bilan, sans complaisance, ni fausse humilité (v.7-8)
- fait part de ses besoins personnels légitimes en toute franchise (v.9-13)
- exprime sans rancœur aucune ses déceptions et les injustices du ministère (v.14-17)
- reste reconnaissant malgré les situations difficiles (v.18)
- continue d’aimer l’Église en acceptant les mystères non élucidés (v.19-21).
Lettre ouverte au monde, ce que nous sommes et ce que nous faisons constitue le seul Évangile que nombre de nos contemporains sont en mesure de lire… notre défi consiste à incarner le message de la Bonne nouvelle, en le rendant lisible et crédible.
Converti à Jésus-Christ en 1967, marié à Geneviève depuis 1978, père de cinq enfants nés entre 1980 et 1991, j’ai travaillé comme représentant de commerce. Après mes études à l’Institut Biblique de Nogent complétées par un stage pastoral, j’ai assumé la charge pastorale d’une Église à Grenoble, puis la direction d’Opération Mobilisation France et la présidence de la Fédération Évangélique de France (actuellement Réseau FEF). Depuis 1995, je suis conférencier itinérant en francophonie. Enseignant à l’Institut Biblique de Genève depuis 1993, j’ai publié vingt-cinq ouvrages aux Éditions Farel. Nous habitons la Charente Maritime en région de Saintes.