Le ministère : montre moi ton agenda, je te dirai ce que tu crois !

Que disent nos agendas remplis des motivations qui nous animent ? Quel rapport avons-nous au travail ou au ministère en particulier ?

En 1984 j’avais 24 ans. J’étais jeune marié et père d’un petit garçon. Mon service militaire dans l’Armée de l’Air comme instructeur derrière moi. Après une maîtrise en langues étrangères appliquées au droit des affaires et au commerce, et deux années dans l’enseignement, je me suis retrouvé catapulté « à plein temps » dans l’oeuvre du Seigneur ! Comme si nous ne l’étions pas déjà auparavant. Notre Église locale avait besoin d’un ouvrier à plein temps comme on disait à l’époque, pour s’occuper de la jeunesse. D’un commun accord avec mon épouse, j’ai répondu avec enthousiasme à la demande du Conseil pastoral. Du jour au lendemain je me suis retrouvé face à moi-même. J’étais devenu mon propre patron quant à l’organisation de mes journées de travail. À la différence des pratiques d’aujourd’hui, nous n’avions pas de cahier des charges bien ficelé. Pas de coach assigné, pour faire nos premiers pas dans le ministère. Nous n’avions pas fait d’école biblique, seulement la formation continue dans le cadre de notre excellent centre de formation théologique décentralisé que j’appréciais beaucoup. ( Le CIFEM, entre autres…). Heureusement, j’étais autodidacte, fils de pasteur et évangéliste implanteur d’églises.  Donc j’avais quelques idées et un peu d’expérience. N’étant pas fainéant mais plutôt du genre actif, nous nous sommes jetés à corps perdus dans cette aventure exaltante « au service de Dieu ».

De mauvaises motivations qui peuvent se cacher derrière l’activisme

Très rapidement je me suis retrouvé confronté à mes limites et failles personnelles. L’une d’entre elles, en particulier, est vite devenue pesante. Combien de temps devais-je consacrer à notre ministère ? Combien à ma famille et au repos ? Quid de mes loisirs personnels ? Nous avions bien admis la nécessité et légitimité de prendre notre sabbat de vingt-quatre heures hebdomadaire. Insidieusement, le lundi ,qui était notre jour off, je n’arrivais pas à me reposer véritablement. Il y avait toujours ce fond de culpabilité lancinant. Est-ce que je mérite mon salaire ? Où est la preuve de ma productivité ? Où sont les résultats ? Est-ce que j’en fais assez ? Au moins un cordonnier quand il a réparé deux paires de chaussures sait ce qu’il a produit. Mais moi ? Mon travail n’était pas très mesurable. Je ne me posais pas ces questions avant d’entrer dans le pastorat. Je faisais mes quarante heures de cours, préparation et correction de copies incluses. J’étais libre d’organiser ma vie personnelle comme je l’entendais. À l’époque nous consacrions, un petit mi-temps  de manière bénévole pour la cause du Seigneur, au service des gens et des perdus, à côté de notre travail séculier. Une fois entré dans le ministère, je me disais inconsciemment : – Les frères et soeurs de mon Église travaillent 40 heures puis consacrent au moins quelques soirées à l’oeuvre du Seigneur. Pouvais-je faire moins maintenant que j’étais « à plein temps »? Alors j’ai fait pareil. J’ai rajouté 10 ou 20% de plus à mes horaires pour « donner l’exemple » !

Un serviteur de Dieu ne doit-il pas donner l’exemple ?


J’ai alors frénétiquement rempli mon agenda du matin au soir.  Activités, visites multiples, tous les jours de la semaine sauf le lundi ! Jour ou je m’écroulais de fatigue. Pourtant, personne ne nous  demandait d’en faire autant ! Nous étions « auto-motivés ». Mais nos motivations étaient-elles justes ? Étaient-elles saines ? Étaient-elle stratégiques, en harmonies avec les impulsions de l’Esprit-Saint ? J’en doute fort aujourd’hui, même si nous voyions de très belles choses s’accomplir. N’avions-nous pas déjà répondu, comme laïques, avec joie à l’appel du Seigneur pour lui consacrer nos vies lors de notre conversion ? N’avions-nous pas donné notre vie au Seigneur ? Oui, j’avais déjà donné, de manière consciente, cette partie de ma vie ou il était évident que j’avais besoin du Seigneur. Ces domaines, en particulier, où je savais que sans Lui je ne pouvais rien faire qui vaille connaissant mes limites et incompétences.  Je réalise aujourd’hui combien j’étais ignorant de mes limites. Combien j’avais besoin du Seigneur non seulement dans les domaines ou je me sentais faible et incompétent, mais aussi et surtout, ceux où finalement, je pouvais très bien me passer de Lui et de son aide. Tout en étant à son service ! C’est justement dans un de ces domaines où je me suis écroulé. Celui des relations inter-personnelles pour lesquelles je me sentais si fort, invincible.  Je pensais être capable de « vendre des frigos aux eskimos » comme on dit. Tant je me sentais à l’aise dans les relations. Nous nous faisions une haute idée de la consécration à Dieu. J’espère que c’est toujours le cas, même si mon zèle était « sans intelligence ». Nous ne comptions pas nos heures et notre maison ressemblait souvent à un hall de gare. Ma femme exerçait également à plein temps son don d’hospitalité et d’encouragement en plus de maman de plusieurs enfants.

Ce qui devait arriver…

Au bout de quelques années j’ai fait un burnout. J’étais saisi de phobies sociales qui me paralysaient dans bien des relations interpersonnelles. Ce qui, vous en conviendrez, est handicapant pour un job ou les relations sont poursuivies de manière intensive. Il m’a fallu au minimum deux ans, « de descente aux enfers », avant de commencer à me relever, et cela … sans  avoir cessé mon ministère.  Ce temps de dépression demeure encore aujourd’hui ma « vallée de l’ombre de la mort ». Tous les fondements de ma vie, toutes mes motivations, tous mes ressorts intérieurs, tout ce qui me faisaient fonctionner a été alors passé au crible dans mon âme et… dans mes tripes. Chaque pensée était analysée, auto-évaluée, critiquée, toutes mes émotions négatives et empreintes de frayeurs – celles de perdre la face et d’être vu dans mes phobies- , étaient maudites…par moi ! Par mon orgueil et amour propre. Le tout, encouragé et nourri par  la chair et par le Malin qui ne se trouvait pas  très loin derrière moi pour me susurrer des pensées d’auto-dévalorisation permanentes qui me poussaient à m’insulter et à me mépriser de me voir dans un tel état de faiblesse dans mes relations avec autrui. Tout cela parce que je me jugeais comme n’étant pas à la hauteur de mes propres attentes. Le faux dieu, qui habite notre ancienne nature à tous par le péché, voulait exister insidieusement en prenant la place du seul vrai Dieu tout puissant.  Ce faux dieu voulait usurper, par ses mensonges, la place du seul Seigneur Jésus ressuscité. 

Ma valeur attaquée

Il m’a fallu un certain temps pour me rendre compte à quel point certains mensonges avaient une emprise sur mon âme. De manière inconsciente, j’avais érigé les autres, leur pensées et leurs appréciations sur ma vie comme étant suprêmes. Ce qu’ils pensaient de moi était bien plus important que ce que Dieu disait de moi et avait fait pour moi. À la fois mon identité et ma valeur étaient attaquées dans ses fondements. Si le Christ ne règne pas sur nous, notre ancienne nature ne demande qu’a reprendre le dessus. Elle veut nous faire croire qu’on peut être quelqu’un sans le Christ par nos efforts ou nos réussites personnelles. D’après l’Écriture, ce qui nous confère notre identité et notre valeur inaliénables nous viennent de Dieu même. Si nous ne croyons pas que Dieu nous a créé à son image, nous devenons des esclaves du regard des autres. Au lieu de nous voir dans le regard bienveillant et gracieux de Dieu, nous vivons dans le doute. Et sans cesse nous essayons de nous rassurer dans le regard des autres…au lieu de nous définir par ce que Dieu nous dit dans sa Parole.

Seigneur : rends moi fort comme avant !


C’était ma prière au fond du trou. Mais Dieu avait un autre objectif pour moi. Il voulait me rendre non pas comme avant mais comme après. Un peu plus à l’image du Christ. Avec une belle dose d’orgueil en moins. Un peu plus conscient de la grâce de Dieu. Un peu moins esclave de mes accomplissements pour prouver, au monde, à moi-même, comme à Dieu, qu’Il avait misé sur le bon cheval…Ou que j’étais capable de grandes choses. Il voulait aussi que je comprennes un peu les méandres de mon âme.  

Combien mes motivations étaient erronées. Il voulait développer en moi une compassion, une écoute, une compréhension des gens qui souffrent dans leur psychisme et envers qui je m’adressais parfois comme si j’étais un expert. Comme s’il suffisait de « se secouer et se remettre au boulot » pour se sortir de sa dépression ou de ses phobies…

Conseiller à trois sous

Au début de mon ministère, J’étais un bon conseilleur qui pensaient pouvoir sauver le monde par ses conseils à trois sous. J’étais  très humaniste dans mon approche, mais surtout, très arrogant et très insuffisant. Je ne réalisais pas combien mon égo était sur-dimensionné. Combien mon coeur pouvait être tortueux, comme dit le prophète. J’avais besoin d’apprendre la compassion et l’écoute, et de progresser dans l’empathie. Souvent, c’est à partir de nos brisements que l’on peut commencer à comprendre la souffrance d’autrui.

La guérison de l’âme est un processus

Par la grâce de Dieu, la patience et conseils de mes bergers, l’amour inconditionnel de ma femme, la lecture d’ouvrages de relation d’aide, le réconfort de La Parole de Dieu et de Son Esprit, j’ai pu remonter la pente tout doucement. J’ai dû apprendre dans les larmes la signification de ce texte magnifique :


Ce n’est plus moi qui vis, c’est Le Christ qui vit en moi.

Galates 2:20 


Ma vie en tant qu’homme, je la vis maintenant dans la foi au Fils de Dieu qui, par amour pour moi, s’est livré à la mort à ma place.” L’intégration progressive de cette  grande vérité dans ma vie m’a été d’un grand secours. Quand je me retrouvais en face de mes phobies relationnelles, avec un échec de plus au compteur, au lieu de me maudire comme avant, en regardant ma faiblesse dans le miroir, je proclamais les vérités de ce texte pour me les approprier. J’étais en dialogue permanent avec Dieu dans mon fort intérieur, au travers de la signification de ces Paroles et de bien d’autres telles que celles-ci. Je proclamais à haute voix  :  Ce n’est plus moi qui vit, car ma chair, c’est à dire ce que je croyais être et valoir par mes efforts, mes réussites et talents naturels, ont étés crucifiés avec le Christ. Echecs et failles personnelles  inclus.

Si le Christ ne règne pas sur nous, notre ancienne nature ne demande qu’a reprendre le dessus. Elle veut nous faire croire qu’on peut être quelqu’un sans le Christ par nos efforts ou nos réussites personnelles.

Ce n’est plus ce moi sans Christ…

… qui vit, ce moi orgueilleux et non régénéré qu’il importe d’écouter, mais le Christ ressuscité qui vit en moi. C’est vrai pour tout ceux et celles qui ont reconnu, et qui croient, que sur cette croix, ce n’est pas Lui qui aurait du y être, mais chacun, à cause de ses fautes. Dans notre folie, ne croyons-nous pas inconsciemment être quelqu’un, avec une valeur propre, par nos accomplissements personnels ?
On se dit : « Ça fait bien trois semaines que je ne me suis pas fâché ou que je n’ai pas convoité,…qu’est ce que Dieu doit m’aimer maintenant ! » Nous disons êtres sauvés par grâce, de manière gratuite et immérité mais, dans la pratique de nos agendas, nous démontrons souvent que c’est plutôt à un salut par les oeuvres que nous croyons. Un bon test serait  de répondre à cette question:  – Dis moi ce que tu fais et je te dirai ce que tu crois.

Un rappel constant 

Je dois me remémorer régulièrement cette Bonne Nouvelle de l’Évangile de la grâce, J’en ai toujours besoin aujourd’hui. Regardons nos agendas avec des yeux neufs et remplis de reconnaissance pour la grâce de Dieu. Supplions le de nous révéler et de nous  purifier des mauvaises motivations qui se cachent derrière notre activisme fébrile. Demandons lui de nous rappeler que nous travaillons tous, quel que soit notre ministère, pour la gloire de Dieu et non la notre. Nous jouirons ainsi, du vrai repos qu’Il veut donner gratuitement, à tous les bien aimés du Seigneur.

Pour aller plus loin :

  • Qu’est ce qui me motive dans la manière de remplir mon emploi du temps ?
  • Quel mauvaises motivations se cachent peut être derrière notre activisme ?
  • Quel avantage y aurait il à avoir un mentor dans ma vie qui regarderait avec bienveillance mon emploi du temps ?
  • Pourquoi suis je parfois si pressé de démarrer ma journée ”au service de Dieu” sans  avoir cherché à le rencontrer au préalable ? Si j’inversais les priorités quelles en seraient les bénéfices ?
  • Lisez à ce propos Psaumes 63:1-10

Posez vous les questions suivantes :

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