le sOir

Au soir de la vie : 4 leaders partagent leurs réflexions 2/2

Lisez d’abord la première partie de cette enquête, les quatre premières questions posées à des frères et soeurs ainés, quand il voit le grand départ s’approche, ci dessous.

Au soir de la vie : 4 leaders partagent leurs réflexions 1/2

 5° Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi aujourd’hui ?

LO : Le décalage entre ma tête et mon corps est difficile à vivre. Dans ma tête j’ai 35 ans. Tout m’intéresse. J’ai envie d’accepter toutes les invitations qui me sont adressées. Je désire lancer des projets pour répondre aux besoins que je discerne. Dans ma tête, ça fuse !  Avec mon corps je n’arrive pas à jongler plusieurs choses en même temps aussi bien qu’avant. Mes forces baissent. Je me fatigue plus vite. Faire des choses me prend plus de temps. Ce décalage entre tête et corps est une nouvelle réalité à laquelle je dois m’adapter. La vitesse et le volume des lâcher-prise augment avec l’âge. Et je les vis parfois comme des pertes.

LF : La limitation de l’espace due à la santé de Jeanie et au Covid. Pendant des années, j’ai parcouru le monde, dans le cadre de mon ministère. Je n’ai plus envie de voyager beaucoup maintenant ! Mais je me sens confiné. Nouwen a écrit sur le vieillissement en le décrivant comme des cercles de plus en plus petits, de ministère, de relations, de force.

Richard Foster a dit :  – La maturité est l’acceptation joyeuse des limites !

Vrai, mais pas facile. Je pense à ce qu’a dit John Stott quand un ancien assistant lui a rendu visite dans sa maison de retraite et lui a demandé s’il était heureux. – Heureux ? a-t-il répondu, non, mais j’apprends à être content.

Je dois aussi dire que l’on est déçu de l’état de l’église aux États-Unis, tellement livrée à la vénération des personnalités, et à l’idéologie politique haineuse. Après les années de croisades, celles de Billy et les miennes, il y a un manque douloureux de disciples qui reconnaissent la seigneurie du Christ. Je dois ajouter que je n’ai pas trouvé facile, après avoir occupé des rôles de direction pendant de nombreuses années, de me retirer. Je suis reconnaissant à mon fils Kevin, qui est très doué, d’avoir pris la direction de LFM. Pourtant, quand on a été aux commandes, il est difficile de se défaire des vieilles habitudes et de laisser les autres prendre le relais ! Cela me rappelle ce que Jésus a dit à Pierre à la fin de l’évangile de Jean. Quand nous sommes jeunes, nous allons où nous voulons. Quand nous sommes vieux, les autres nous déplacent !

MS : Mon plus grand défi est d’être réaliste concernant l’effet cumulatif de la tristesse et des pertes que j’ai vécues. Je peux en dire plus à ce sujet si vous le souhaitez, mais c’est ainsi que je cadre les réalités de mes jours les plus difficiles.

RK : L’acceptation de mes limites… qui semblent augmenter, ma perte d’endurance… le besoin de faire des siestes pour me ressourcer.

Heureux ? Non, mais j’apprends à être content !

John Stott ( Alors qu’il était en maison de retraite)

 6°Qu’est-ce qui t’encourage le plus ?

MS : D’un côté, quand je regarde ma vie, j’ai eu une quantité disproportionnée de pertes, de tristesses et de douleurs. D’un autre côté, j’ai également connu des quantités disproportionnées d’amitié, d’amour, d’affection et de foi et d’espoir. La lentille à travers laquelle je choisis de regarder ma vie affecte considérablement la qualité de chaque journée.

LF : Je suis tellement béni d’avoir Jeanie comme épouse et amour de toutes ces années. Notre ministère, au début surtout, a souvent été difficile pour elle. Lorsque je partais pour des campagnes d’évangélisation, et qu’elle avait trois enfants à charge. Elle a eu la polio à l’âge de 12 ans et n’a jamais été très robuste physiquement. Je pense, avec le recul, que j’attendais trop d’elle et que j’aurais dû supprimer certains déplacements. C’est un regret. Mais maintenant, mon privilège est de la servir et de l’aider. Je suis si reconnaissante que nous ayons toutes deux une assez bonne santé à notre âge ! Et je pense qu’elle prie plus que quiconque ! Puis de voir Dieu à l’œuvre, en particulier chez les jeunes responsables que j’ai eu le privilège d’encadrer et qui servent le Seigneur avec grâce et créativité ! Et leur affection et leur amitié alors que je vieillis est importante. Comme ce pasteur de l’ouest du Canada que je connais depuis qu’il a une vingtaine d’années et qui m’appelle tous les lundis pour savoir comment je vais !

RK : Le fait que lorsque les autres viennent me voir pour un coaching ou un mentorat, ce que j’ai à donner semble faire une différence significative. Cela m’encourage !

LO : Jésus n’a pas connu la vieillesse. Les évangiles présentent un Jésus-sujet qui fait, agit, initie, choisit, guérit et enseigne. Cependant, les évangiles relatent aussi la phase où Jésus est livré entre les mains des hommes et devient l’objet de la plupart des verbes. Il perd la liberté de mouvement. Il ne fait plus. Il devient un Jésus-objet, vulnérable, qui subit les agissements des autres. (Même si Jésus est un objet consentant comme le dit l’apôtre Paul, Ga 2.20 ; Ep 5.2). Jésus passe à une phase d’inaction, d’attente, de non-maîtrise de ce qui lui arrive. Et pourtant l’évangile de Jean souligne que c’est à partir du moment où Jésus est livré (et pas encore mort sur la croix), qu’il manifeste le plus clairement la gloire de Dieu, c’est à dire, le caractère et la présence de Dieu rendu visible (Jn 13.31, 32). 

L’expérience et l’exemple de Jésus dans cette phase de vulnérabilité et d’inaction m’aident à accepter cette phase de non-maîtrise et de ne pas la voir comme une phase moins utile ou ayant moins de valeur, que la phase du faire. Son expérience et son exemple me donnent aussi l’espoir que je peux continuer à croitre dans l’amour, la confiance et l’espérance et ainsi, manifester la gloire de Dieu, la vie de Dieu… même dans cette phase. Jésus confère à ce temps de la dignité et de l’espérance.

7°Quel conseil donnerais-tu à ceux qui voient la fin s’approcher ?

LF : Peut-être ce que Mère Thérèsa a dit à quelqu’un qui lui demandait de prier pour qu’il ait de la clarté. – Non, a-t-elle répondu, je ne prierai pas pour la clarté. Je prierai pour la confiance !

Et pour chanter, si nous sommes assiégés par les doutes : –C’est la grâce qui m’a sauvé jusqu’ici, et la grâce me ramènera chez moi !

MS : Dans l’expérience humaine, lorsque nous sommes confrontés à des défis difficiles de tout type, voici ce qui me vient à l’esprit : « Dieu sait des choses que je ne sais pas. Dieu sait des choses que je n’ai pas besoin de savoir. Dieu sait des choses que je ne saurai peut-être jamais. Et je lui fais confiance. »

Selon mes observations, les racines de la crise de la quarantaine, tant pour les femmes que pour les hommes, résultent très souvent l’effet cumulatif de déceptions non traitées – la prise de conscience que certains rêves ne se réaliseront jamais. J’ai observé la même chose en écoutant les leaders de la fin de la cinquantaine et au-delà. Ils parlent d’un sentiment de tristesse ou essaient encore de prouver leur valeur. Souvent ils ont mis de côté leur mission initiale et le but de leur vie. La racine semble être un sentiment non traité de perte de ce qui aurait pu être ou pourrait être.

Un mentorat, qui poserait les bonnes questions, pourrait encadrer les réalités humaines d’une manière différente, et permettrait d’entamer un dialogue qui aiderait les leaders vieillissants à identifier, comprendre et traiter ces sentiments de perte plus profonds. La liste que j’ai dressée il y a deux ans identifiait 20 domaines spécifiques de perte – certains profonds et douloureux, d’autres ennuyeux. D’autres encore liés simplement au fait que la vie est différente de ce que nous avions imaginé. Le processus d’identification de ces problèmes, la tenue d’un journal, les discussions avec un ami autour d’un feu, d’un bon cigare, et même quelques séances avec un thérapeute pourraient été très utiles. 

LO : Je n’ai pas de conseils à donner. Je prierai que le Saint Esprit leur souffle la parole qu’ils ont besoin d’entendre avant d’entrer dans la vraie Vie.

RK : La joie est le fruit de la confiance et de l’abandon à la main de dieu. Et la joie est inextinguible quand je ne me mets pas au centre de l’histoire mais que je me contente de vivre le petit rôle que j’ai dans la grande histoire globale, glorieuse et royale de dieu. Les autres sont attirés par l’intérêt que vous leur portez – vous vous souvenez de leurs noms, vous leur demandez des nouvelles de leurs enfants et des autres personnes de leur vie.  

La clé de la vie, quand on vieillit, est d’avoir une raison de vivre plus grande que soi. 

Roy King

Un mot personnel ? 

MS : Quel est mon rôle le plus important à ce stade de ma vie ? Le mentorat, le développement et l’autonomisation de ceux qui viennent derrière moi, des deux sexes, de tout âge, de toutes les cultures et de toutes les couleurs !

LF : Je pense qu’il est important, en vieillissant, de continuer à grandir, d’apprendre tout au long de la vie, de lire beaucoup et pas seulement les vieux auteurs familiers. D’essayer si possible de nouvelles choses. J’avais une soixantaine d’années quand j’ai commencer à peindre. Vous pouvez aller en ligne et voir mes peintures !

RK : La clé de la vie, quand on vieillit, est d’avoir une raison de vivre plus grande que soi. 

LO :  Il y a des choses à apprendre et à développer tout au long de notre vie : la capacité à rire de nous-mêmes, de ne pas nous prendre trop au sérieux, d’être dans le contentement, la gratuité, la confiance à Dieu. Vivre le lâcher-prise et la dépendance comme une attitude de cœur. Réaliser que la productivité n’est pas forcement la fécondité. Si ce genre de spiritualité est développé tout au long de notre vie, il sera plus facile de la vivre dans sa dernière phase.

Ma conclusion

Vous vous demandez sans doute, mais lui : il pose des questions aux autres, mais comment gère-t-il ses émotions, ses pensées à l’approche du grand saut ?

Bien que je sois en pleine forme, je suis confronté, à cause de mon âge, aux mêmes questions ! Lorsqu’une personne plus jeune que moi décède ou à peine plus âgée, je réalise que mes jours sont comptés, et que je n’ai rien en mains. Qu’il ne reste peut-être plus beaucoup de temps.

Trois choses m’aident, me rassurent, me motivent

Ma destinée n’est pas terrestre, mais céleste. Du coup j’ai décidé, il y a quelques temps déjà, de me réjouir et de cultiver cette pensée : ma prochaine étape sera à la droite de Dieu, avec Jésus mon sauveur. (Eph 2 : 6). Je suis destiné à régner avec Lui. Dans cette perspective, je suis conscient que j’ai encore besoin que Dieu oeuvre dans ma vie, pour être conforme au modèle de Christ. C’est une motivation à travailler mon intimité et à passer du temps avec lui. 

Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la poursuivra jusqu’à son terme, jusqu’au jour de Jésus-Christ.

Phil 1 : 6

Une autre certitude m’accompagne et me soutien. Henry Nouwen écrit :

Lorsque j’enseignais des cours académiques sur la vie spirituelle, je dessinais parfois une longue ligne droite du bord gauche vers la droite sur le tableau noir, et j’expliquais: « Ceci est notre vie éternelle en Dieu. Vous appartenez à Dieu d’éternité en éternité. – Vous étes aimé de Dieu avant votre naissance, vos serez aimé de Dieu longtemps après votre mort. Ensuite, je marquais un petit segment sur la ligne et je disais : – C’est votre vie humaine. Ce n’est qu’une partie de votre vie totale en Dieu. Vous n’êtes ici que pour un court laps de temps – pour vingt, quatre vingt ou quatre-vingts ans – pour découvrir et croire que vous êtes un enfant bien-aimé de Dieu. La durée n’a pas d’importance. La vie n’est qu’une brève opportunité pour vous pendant quelques années de dire à Dieu :  – Je t’aime aussi !

Henry Nouwen Spiritual Direction Page 29

Je veux dire à Dieu que je l’aime, je sais que son amour pour moi est éternel.

La troisième chose qui m’encourage est ce verset bref, mais d’une portée phénoménale…

En effet, Christ est mort et [il est ressuscité,] il est revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants.

Rom 14 : 9

Certes je vais passer par la vallée de l’ombre de la mort, puis par la mort, mais quelle certitude face à ces étapes : mon Seigneur, mon sauveur, demeurera mon Seigneur. Quelle assurance !

Comme mes collègues, je suis convaincu que la transmission reste la tâche que le Seigneur m’a confiée pour cette ultime étape, ce blog en est l’expression concrète.

Bonus

Voici un poème écrit par Leigthon Ford à la suite du décès de deux amis plus âgés et auxquels il était attaché.

Trois arbres 

Dans notre arrière- cour

trois arbres,

deux pacaniers et un frêne

me réconfortaient ce matin

 alors que je pensais à deux amis, 

des plantations du Seigneur,

qui venaient de quitter cette scène terrestre

l’un d’eux , au loin, en Australie

mon partenaire dans le ministère au cours des années précédentes

l’autre juste en bas de la rue

« celui que j’allais voir » encore récemment,

juste pour parler ou pour recevoir des conseils.

Ces trois arbres, mes « aînés »

de bons compagnons de route, 

étaient maigres quand nous avons construit cette maison

ils seront probablement encore debout après notre départ

me rappelant que toutes les choses passent,

mais les grandes œuvres de Dieu, les 

anciennes et les nouvelles,

demeureront.

L. Ford 10 avril 2021

Retour en haut